mercredi 6 janvier 2021

Excursions historiques dans les îles de Tinos et d'Andros en 1841

 Je découvre dans les collections numérisées de la Bibliothèque nationale de France un récit de voyage à Tinos et Andros rédigé pour la déclinaison belge de la Revue de Paris en 1841 par Jean-Alexandre Buchon (1791 - 1846), historien et philologue, éphémère inspecteur des archives royales sous Charles X. Ce philhellène libéral publie notamment en 1843 La Grèce les Cyclades et les îles ioniennes, de nombreuses contributions à l'histoire de la Grèce sous la domination latine, des réflexions sur l'art et les institutions grecques dans l'Antiquité.


Jean-Alexandre Buchon

Je me permets de reproduire certains passages et de les commenter. Ah j'oubliais : bonne année 2021 à tous mes lecteurs, une année qui j'espère nous débarrassera tous de la Covid 19 ...


Navigation

 Une autre fois, j'avais accepté une invitation à dé-
jeuner dans l'île de Tinos. Le vent était des plus favorables au
moment de mon départ de Syra. Je voyais le port distinctement
devant moi. Deux heures suffisaient pour m'y rendre ; le vent
tourna à la sortie de la rade de Syra, et je m'estimai fort bien
traité de pouvoir arriver à Tinos à six heures du soir.
J'ai visité plusieurs fois cette île de Tinos , et j'ai souvent re-
gretté que l'établissement d'un bateau à vapeur à Syra ne rendit
pas cette courte traversée plus certaine. Dans les premiers jour)
d'avril, le prince Constantin Caradza, son neveu Manuel
Argyropoulo et moi nous nous étions mis en route pour passer,
dans une visite à l'Archipel, quelques jours que nous enlevions
à un voyage arrêté pour Constanlinople. Notre ami le navarque
Canaris nous avait prêté une excellente canonnière pour notre
excursion. Nous nous dirigions sur Délos. Nous nous trouvâmes
heureux de pouvoir nous réfugier dans la petite cale de Stavros
à Tinos, à une demi-lieue de la ville de Saint-Nicolas, et nous
fûmes retenus trois jours dans cette petite crique sans pouvoir
nous remettre en mer. C'était là une bonne occasion de faire
des excursions dans l'intérieur de l'Ile, et je n'y manquai pas.

Et le vorias joue toujours des tours aux marins et les oblige encore à s'ancrer à Stavros de nos jours !!


Saint-Nicolas (Chora actuelle) - La Panagia

L'île de Tinos est certainement une des îles de l'Archipel où se
sont conservées le plus de traces de la domination et des moeurs
et usages des Occidentaux. Conquise, comme les autres Cy-
clades, dès les premières années du treizième siècle, et de-
venue, sous les ducs de la Dodécanèse ou de la mer Egée, ou
de Naxos, issus de la famille vénitienne Sanudo, puis de la fa-
mille Crispo , partie de ce grand fief ducal qui relevait de la
principauté française de Morée, elle passa , après l'extinction
de la postérité des Villehardouin , et après la conquête par les
Turcs des divers fiefs continentaux ou insulaires qui en dépen-
daient, sous la domination souveraine de Venise patrie de ces
ducs, et resta, jusqu'en 1715 , dans les mains des Vénitiens.

Je remontai de là à la célèbre église moderne de la Panagia de 
l'Apparition, située au-dessus de Saint-Nicolas. Elle n'est bâtie 
que depuis une vingtaine d'années et voici à quelle occasion.
En juillet 1822, une vieille religieuse crut voir, en dormant
un bel ange aux longs cheveux bouclés , qui la prenait
par la main, et la conduisait dans une caverne mystérieuse
creusée dans le flanc de la colline de Tinos , où avait existé au-
trefois une vieille chapelle dont le souvenir s'était traditionnel-
lement conservé. Là, il lui montra du doigt une antique image
de la Panagia, qu'elle s'imagina voir illuminée d'un éclat tout
céleste. A son réveil, elle alla raconter ce rêve à un papas,
dont l'église, un peu abandonnée, avait besoin d'un miracle
pour se refaire. Le papas ne manqua pas de se rendre, suivi
d'un nombreux cortège, à cette grotte, bien connue de lui. On
fit une fouille au lieu désigné , et on trouva en terre, comme
cela se fait d'ordinaire, un tableau de la Vierge, fort mal peint,
mais assez bien conservé, dans sa laideur, que s'il eût été peint
de la veille, d'après le poncif reçu, et par l'hagiographe du
village. Le miracle fut tout aussitôt proclamé avec la solennité
la mieux entendue; et l'icône de la Panagia de l'Apparition
éveilla promptement le zèle des fidèles...
Telle qu'elle est. l'église de la Panagia de Tinos est une des
curiosités de l'Archipel. Tous les ans au 25 mars , jour de l'An-
nonciation , et au 15 août, jour de l'Assomption, des troupes
de pèlerins, au nombre de trois, de quatre, de cinq mille, arri-
vent de toutes les îles et de toutes les côtes d'Asie pour contempler
les cures merveilleuses qui ne manquent jamais de s'y opérer et
y apporter un tribut substantiel de leur vénération. 

L'intérieur des maisons de Saint-Nicolas est abondamment
fourni aussi de vieux bahuts, de glaces de Venise, de
lits, chaises et fauteuils sculptés et armoriés, d'étoffes en guipure
qui auraient fait envie à MM. Revoil et du Sommerard, et qui
gisent là obscurs et négligés dans une chambre de paysan...

A la Vierge de l'Apparition, on préfèrera la Vierge de l'Annonciation ( Evangelistria, en grec.) Abstraction est faite des Ghizzi, véritables seigneurs latins de Tinos pendant presque deux siècles, du treizième jusqu'à la fin du quatorzième. On ne peut que pointer ici l'esprit voltairien de l'auteur, qui affiche envers la nonne Pélagie et l'icône miraculeuse un scepticisme un peu condescendant et persifle le merveilleux orthodoxe. Mais les Latins ne tiennent plus le haut du pavé dans la Grèce moderne dont l'Orthodoxie est la religion d'un Etat indépendant depuis 1829. 

En chemin vers Exombourgo

Au temps des Vénitiens, la ville principale de l'île n'était pas
Saint-Nicolas, mais Exobourgo, située en haut d'une montagne
à une lieue environ de la côte. La route qui y conduit de Saint-
Nicolas suit, toujours en remontant, le lit d'un torrent qui
s'est creusé un passage à travers les rochers, et passe près d'une
enceinte antique. Nos mules avaient grand' peine à se tenir sur
ces pentes glissantes. La campagne est sans arbres; de temps à
autre seulement la vue est distraite par une sorte de tourelles
carrées à pointes, revêtues de toutes sortes d'arabesques fan-
tastiques; ce sont des péristerionias, très multi-
pliés.dans toute l'île. Une des branches du commerce de Tinos
est l'exportation en tonneaux de tourterelles confites dans le
vinaigre, et ces péristérionia sont destinés à la reproduction des
tourterelles, fort jolies à voir, mais fort détestables à manger
ainsi.
 Une autre branche plus productive 
du commerce de Tinos est le vin doux de Malvoisie,
qu'on ne récolte plus à Malvoisie (Monembasie), mais seule-
ment à Tinos et à Santorin, où les plants auront sans doute été
transportés après l'occupation de Monembasie par les Turcs..
Ces plants sont clairsemés et peu élevés
L'orge vient à merveille à Tinos. En parcou-
rant celte île, le 2 et le 5 avril, je vis partout des champs d'orge
tout verdoyants et beaucoup plus avancés que dans l'Attique.

Vous avez reconnu les pigeonniers ! J'avais déjà entendu quelques témoignages sur les pigeons conservés dans le vinaigre, mais je ne l'avais lu nulle part. Notons au passage la mention du mur cyclopéen qui formait l'enceinte de la ville antique d'Exombourgo, la mention de la culture de l'orge, céréale pauvre destinée à nourrir les 21000 Tiniotes de l'époque et le mode traditionnel de culture de la vigne, sans échalas et toujours en usage.

Exombourgo - la maison des Jésuites

Le village d'Exoburgo est presque complètement abandonné
la seule maison un peu propre est la maison fort hospitalière
du médecin. Tout à côté viennent se terminer les murs en ruines
de l'ancienne forteresse vénitienne qui s'élevait sur la crête de
la montagne. Ses vieux murs et les pointes de rochers entre
lesquels elle était bâtie blanchissent encore de loin en mer. Elle
s'étendait du haut de la montagne au sommet le plus aigu du
rocher. Les murs d'enceinte suivent la crête de rochers moins
élevés et au milieu pointe un rocher plus aigu surmonté d'un pyrgos
Du haut de ce pyrgos on a une vue fort nette sur toutes les Cyclades.
et l'oeil suit avec effroi la pente unie et perpendiculaire du rocher
 jusqu'à un puits qui était alors enclos dans l'enceinte des fortifications,
 bien qu'on eût à parcourir de longs circuits de rochers pour y parvenir.

Les jésuites ont conservé un établissement dans ce village.
Lorsque j'étais allé voir le beau couvent des jésuites de l'Oli-
vella, à Palerme, je leur avais promis d'aller visiter un des
leurs qu'ils venaient d'envoyer au couvent de Tinos. Je m'y
présentai en effet pour demander de ses nouvelles et lui donner
des nouvelles de ses amis de Palerme. A mon grand regret,
j'appris qu'il était en tournée dans une autre île de l'Archipel...
 A sa place je ne trouvai qu'un vieux jésuite polonais qui
nous reçut tous fort mal. Il avait horreur des Grecs, parce qu'ils
étaient schismatiques, ce qui était pis, à ses yeux, que d'être
hérétique et même musulman, el il n'avait pas moins horreur
des Français, qu'il regardait comme autant de francs-maçons,
d'excommuniés , de philosophes , de jacobins , qualités qui se
confondaient dans son esprit peu régulièrement ordonné. Le
prince Constantin Caradza, Manuel Argyropoulo et moi nous
n'avions donc pour lui que des titres de réprobation, et il nous
l'expliqua fort passionnément en refusant de nous abriter dans
son couvent malgré la pluie battante. Il semblait dévoré d'une
rage fanatique. 

Exombourgo est devenu un lieu de désolation, qui abrite encore un vieux jésuite dont la santé mentale semble vaciller ! Sous peu, en 1844, les Jésuites de Tinos occuperont leur nouvelle maison de Loutra. Ici aussi c'est l'esprit voltairien de Buchon qui s'exprime. Après les Orthodoxes les Catholiques en prennent pour leur grade !
A la place de la croix qui se trouve au sommet du mamelon d'Exombourgo s'élevait une tour (pyrgos en grec). On la voit distinctement sur les estampes qui illustrent le livre de Tournefort, plus d'un siècle auparavant..

Kardiani - Isternia - Pyrgos

Je suivis le bord de la mer en passant au port de Stavr-
ros, pour me rendre par Kardiani à Port-Panormo. Jusqu'à
Kardiani la route est détestable. Ces rochers de marbre n'of-
frent aucun point de vue pittoresque, ni varié; mais dès qu'on
a traversé la carrière de marbre ... qui a fourni le marbre blanc
grisâtre employé dans le nouveau bâtiment de l'université
d'Athènes, et connu partout sous le nom de marbre de Tinos,
le charmant village de Kardiani vous apparaît gracieusement 
groupé sous le penchant de la montagne.
De tous côtés, sur les collines, sont semés ces péristérionia ou
colombiers si caractéristiques , qui ressemblent à de petites
tourelles crénelées.
Le village de Kardiani est construit d'une manière fort ori-
ginale. On monte en tournant sous le portiques de maisons,
qui ont l'air d'autant de chambres séparées, coupées dans la
carrière même, car elles sont composées de pierres sèches,
arrangées à mesure qu'elles encombraient le chemin , avec
plusieurs rangs de murailles, soutenues par des portes cintrées
pour plus de solidité. C'est toujours, en tournant sous des
voûtes et arcades, qu'on monte jusqu'au haut de la ville. Les
habitants de Kardiani ont sans doute choisi ce lieu élevé pour
y être plus à l'abri des incursions des pirates, qui pouvaient
débarquer sur la plage, située au bas de ce verdoyant coteau.

De là jusqu'à Platia , en passant par Kislena , il y a deux
bonnes heures de route assez difficile; mais la descente dans le
village de Platia est véritablement formidable. Les rues sont
des échelles inégales et à bâtons rompus. Il faut être bien ha-
bitué aux déplorables chemins de ce pays, et bien compter sur
la sûreté du pied des mulets pour s'aventurer à descendre
autrement qu'à pied ces escaliers perpendiculaires et mal as-
surés. Platia est un village assez malpropre, qui n'est éloigné
que d'une demi-heure de Port-Panormo, lieu d'embarcation,
où ne se trouve qu'une seule habitation à moitié ruinée. la
course de Platia à Port-Panormo est toute en plaine et très-
facile.

Autres temps, autres goûts ! La route superbe qui conduit à Kardiani n'offre aucun point de vue pittoresque à Buchon ! Il est vrai que le sentier muletier passe un peu plus bas, mais je l'ai emprunté et il offre un panorama semblable à celui de la route moderne. Et pourtant nous sommes alors en plein Romantisme ! En effet les villages perchés comme Kardiani fournissaient une protection contre les pirates qui infestaient l'Egée jusqu'au 18e siècle. Et vous avez reconnu les kamaras, ces rues villageoises où l'on passe sous les maisons et les églises. Il en subsiste encore à Kardiani et l'une d'elle passe sous le parvis de l'église catholique. 
Kislena est vraisemblablement Isternia.
Je pense que l'auteur confond le village de Platia et celui de Pyrgos. Eh oui, pas de route : on voyage à dos de mulet.

lundi 30 mars 2020

Tinos confinée

Depuis le lundi 23 mars la Grèce est strictement confinée à cause du coronavirus bien sûr, mais ici l'épidémie pourrait faire des dégâts humains bien plus considérables qu'en Europe du Nord. Les causes ? D'abord la destruction du système de santé public imposée par les créanciers - la Grèce ne dispose que de la moitié de la moyenne européenne de lits de soins intensifs - ensuite la présence sur le sol grec de 60 000 - 70 000 réfugiés bloqués dans le pays à la suite de la crise de 2015 et parqués dans de sinistres camps fermés et surpeuplés, pudiquement baptisés hotspots dans lesquels la maladie pourrait se développer dans des conditions effroyables.
Les deux faits sont au passif de l'Union européenne, de son égoïsme dicté par les pays du groupe de Visegrad, de son ordo-libéralisme dicté par l'Allemagne et ses épigones. Egalement au passif de la Turquie d'Erdogan qui utilise le malheur des hommes pour pousser ses pions sur l'échiquier du Moyen-Orient.

Tinos est confinée : comme en France seuls les commerces de première nécessité sont ouverts,  et je donne ici des images issues du blog de la mairie, TinosToday, montrant la ville de Chora vidée, inactive. Ici aussi le risque est grand : les 8000 habitants de l'île n'ont pour tout recours que le centre de santé local qui ne dispose pas de lits de réanimation et l'hôpital de Syros en triste état, avec transport par la vedette des gardes-côtes. Espérons que la maladie ne touchera pas nos Cyclades fragiles, démunies ! Il n'y a pas de cas déclaré à ce jour, le trafic maritime est très réduit et seuls les habitants permanents de Tinos coincés sur le continent peuvent embarquer à Rafina.

Le port de pêche vide de bateaux

Le quai face à la rue Evangelistria

La route d'Agios Phokas

Nouvelles de Lesbos

Le père Maurice Joyeux, présent à Lesbos auprès des réfugiés envoie ce message à ses contacts :


Chers amis,

Mortaza est un ami journaliste afghan qui travaille pour ARTE et bien d'autres réseaux d'informations. Il a un grand courage. 
Nous sommes ensemble à Lesvos/Moria pour lutter contre l'abandon total des milliers de réfugiés , familles, femmes et enfants sur place. Nous faisons ce que nous pouvons ... 
Merci de relayer vers les plus hauts décideurs et marqueurs d'opinion ce court article écrit par Mortaza : deux pages envoyées hier et diffusées dans "Le Courrier des Balkans" . 
Avec les réfugiés tout à fait conscients de l'abandon chaque jour plus précis de tous, avec l' Eglise Catholique, le pape François , le cardinal Hollerich, président de la conférence épiscopale d' Europe, nous appelons depuis plusieurs semaines à la mise en oeuvre d'urgence d'un " CORRIDOR HUMANITAIRE et SANITAIRE EUROPEEN"


Maurice Joyeux sj

Je publie donc le texte de Mortaza, conscient néanmoins du faible écho de mon blog. Je pense que tout commentaire est inutile ...

Le camp de Moria - mai 2017


Grèce : l’enfer du camp de Moria face à la menace du coronavirus
 Courrier des Balkans  |  De notre envoyé spécial à Moria  |   mercredi 25 mars 2020



Le camp de réfugiés de Moria, sur l’île de Lesbos, est une bombe à retardement. Alors que le confinement a été décrété par les autorités grecques pour ralentir la propagation du Covid-19, plus de 20 000 personnes s’entassent sous des tentes de fortune, sans eau, sans savon et parfois sans électricité. La peur rode et la violence est inévitable. 

Par Mortaza Behboudi
 Comment confiner le plus grand camp de réfugiés d’Europe ? Depuis une semaine, les volontaires des ONG qui travaillent dans le complexe de Moria sont en quarantaine et, depuis lundi, le confinement a été décrété par le gouvernement grec. Alors que plus de 20 000 réfugiés s’entassent dans l’île de Lesbos, la situation sanitaire déplorable fait craindre une progression rapide de l’épidémie de Covid-19. La Grèce dénombre officiellement 695 personnes touchées par la maladie, et 17 décès sont déjà à déplorer, mais ces chiffres pourraient rapidement augmenter. Dans le camp de Moria, des milliers de tentes sont installées les unes à côté des autres, et les migrants dorment serrés comme des sardines. L’entrée dans la zone est interdite aux organisations humanitaires et aux visiteurs depuis quelques jours, mais il est toujours possible d’y pénétrer en se faisant passer pour un réfugié. Les habitants du camp tentent de survivre, sans médicament, parfois sans eau et sans électricité. Ici, on manque de médecins, mais aussi de savon pour se laver les mains.
Le camp de la Moria ne dort jamais et la violence couve au sein de la population. La police grecque préfère ne plus intervenir. Certains sont ici depuis des mois voire des années, les procédures de demande d’asile traînent et s’éternisent. « Nous ne pouvons pas dormir quand l’obscurité tombe. Des hommes viennent avec des couteaux pour nous voler ce qu’il nous reste. Mon mari est électricien, il travaille bénévolement pour une ONG, ici, dans le camp de Moria. Mais cela lui cause des problèmes, des gens nous menacent pour qu’il les raccorde au réseau électrique », raconte une mère de famille afghane.
Si on ne fait rien, beaucoup de gens vont mourir avec le coronavirus. Ils nous ont abandonné mais on ne baisse pas les bras.
Désormais, toutes les entrées du camp sont surveillées par la police grecque. Personne ne peut sortir, sauf les personnes ayant des rendez-vous médicaux dans le centre de Mytilène. Aucun médecin ne travaille dans le camp le week-end et la permanence de Médecins sans frontières (MSF) est restée fermée durant deux jours. Dans ce chaos, quelques réfugiés ont commencé à construire une clinique de fortune pour accueillir ceux qui ne manqueront pas d’être atteints par le Covid-19. Quatre personnes ont déjà contracté la maladie sur l’île de Lesbos et tout le monde redoute que la pandémie se propage dans le camp, où l’hygiène est désastreuse. Deux cas suspects ont bien été identifiés parmi les réfugiés du camp de Moria, le 12 mars dernier, mais ces derniers se sont finalement avérés négatifs. Ce qui n’empêche pas la peur de roder, surtout parmi les personnes âgées. « Le coronavirus est déjà là mais personne n’en sait rien car nous n’avons pas les moyens de le détecter », raconte une migrante congolaise, arrivée depuis quatre mois. « Il faut faire la queue trois ou quatre heures pour voir un médecin. Il faut faire la queue pour tout, pour manger, pour prendre une douche ». Certaines femmes ont commencé depuis la semaine dernière à coudre des masques de protection, mais ces derniers ne sont pas efficaces, expliquent les volontaires de MSF. En attendant, les enfants jouent dans les poubelles ou restent prostrés dans leurs tentes, puisque les écoles ont fermé depuis deux semaines. « Si on ne fait rien, beaucoup de gens vont mourir avec le coronavirus. Ils nous ont abandonné, mais on ne baisse pas les bras. Je suis jeune et fort mais il nous faudrait au moins de l’eau et du savon »,
continue un demandeur d’asile somalien, qui aide à monter l’hôpital de fortune.

Il faut évacuer les réfugiés vers le continent pour lutter efficacement contre la propagation de l’épidémie.
Il est interdit de filmer et de photographier à l’intérieur du camp. Les réfugiés peuvent se voir refuser leur demande d’asile si une image est diffusée sur les réseaux sociaux. La police n’hésite pas à casser les portables de ceux qui veulent filmer leur vie quotidienne. « Je veux parler de ce qui se passe ici, de la situation désastreuse du camp. Nous ne vivons pas bien, il ne faut pas cacher cela », veut croire Olivier, un journaliste congolais arrivé à Lesbos il y a quatre mois. Lundi matin, un bateau est encore arrivé à 7h du matin avec plus de 50 migrants à son bord. Mais les autorités grecques n’acceptent plus aucune demande d’asile depuis début mars. Ces derniers vont donc être directement transférés au nord d’Athènes, dans le camp de Malakasa. Depuis lundi matin, les migrants du camp de Moria n’ont également plus l’autorisation de se rendre en ville. Il n’y a plus aucun transport, sauf des taxis, qui sont autorisés à prendre une seule personne, et seulement pour aller à l’hôpital. Depuis début mars, les migrants qui arrivent sur les îles grecques sont séparés des migrants déjà présents sur place, afin d’éviter une propagation de l’épidémie de Covid-19. MSF le répète inlassablement aux dirigeants européens : évacuer les réfugiés vers le continent et vers d’autres pays de l’Union européenne est indispensable pour lutter efficacement contre la propagation de l’épidémie.

dimanche 29 mars 2020

Tympans chypriotes

Sylvie et moi avons passé récemment dix jours à Chypre, dans le massif du Troodos à l'ouest de la grande île.
Le Troodos renferme une dizaine d'églises byzantines classées au patrimoine mondial de l'UNESCO et datées du XI e au XVI e siècles. Leur intérêt majeur réside dans les fresques dont leurs murs intérieurs sont ornés.
Eglise de l'Archange Michel - Le saint local Agios Mamas


Mais certaines églises présentent des tympans au dessus des portes et des fenêtres comparables formellement à ceux des maisons paysannes de Tinos et des églises de villages.

Tympan au monastère de Néophytos

Manifestement ces tympans sont à Chypre issus de la transenne byzantine - une plaque de pierre ajourée faisant office de vitrail - et ne sont pas sculptés : différence notable avec ceux de notre île. La fonction de ces tympans est aussi différente : à Chypre ils permettent l'éclairage de l'église, à Tinos ils tamisent la lumière des maisons durant la période d'élevage des vers à soie, comme l'indique Markaris Salonis en 1809 et récemment l'ethnologue Alekos Florakis.
Mais on retrouve ce morceau d'architecture dans deux territoires pourtant éloignés : un cousinage qui témoigne de la vaste culture hellénique !



Saint Nicolas du Toit

Saint Nicolas du Toit - Transenne de la porte ouest

Panagia Asinou


Pangia Asinou - Tympan de la porte est

jeudi 12 mars 2020

L'Europe de la honte bis

A dessein j'emploie pour ce court post le titre que j'ai déjà utilisé en  février 2016. L'Europe de la honte étale sa violence et son inhumanité à Kastaniès comme à Lesbos ou dans le Dodécanèse, tandis qu'Erdogan utilise sans vergogne les réfugiés pour arrondir  le territoire turc en Syrie martyre.

Les MAT, les CRS grecs, tirent des lacrymogènes sur de pauvres gens coincés dans le no man's land de l'Evros par la police et l'armée turques, qui leur interdisent tout retour. A Lesbos ce sont les gardes-côtes qui repoussent les bateaux chargés de réfugiés. Le tout avec la bénédiction de Mme Von der Leyen, venue sur place le 3 mars.




Je souhaite partager ici la vidéo du Père Maurice Joyeux, de la société de Jésus, qui vient de reprendre du service à Lesbos auprès des réfugiés après une étape à Tinos. Et mon indignation !
Suivez ce lien : https://we.tl/t-lbgVEyxdKW

samedi 25 janvier 2020

Non aux bars de plage !

Depuis l'année 2016 on assiste à Tinos à la prolifération des bars de plage. Ils allongent leurs paillotes sur les plages les plus populaires, Porto, Agios Phokas, Kolivitra, Agios Romanos, diffusent une musique difficile à supporter et provoquent des embouteillages tout aussi insupportables !
Cette nouveauté est due à l'application de la nouvelle loi littorale grecque qui réduit le domaine public à quelques mètres à partir de la mer et permet la concession des plages à des entreprises privées, taverniers et bistrotiers.





Certes il en faut pour tous les goûts, la Grèce et les Grecs manquent d'argent et ce commerce entretient l'activité économique de Tinos. Mais nous sommes beaucoup de résidents ou de semi-résidents à redouter que les plages d'accès difficile, comme Livada ou Santa Margarita ne subissent le même sort c'est à dire l'invasion des bagnoles et des buveurs de mojitos. Une route carrossable et un nouveau bar sont parait-il à l'étude pour abîmer Apigania...
Bien sûr Tinos reste la plus calme et la plus préservée des Cyclades. Rien à voir avec Mykonos ou Santorin qui sont dénaturées par le tourisme de masse ce qui entraîne leur "déshéllinisation" (on y parle plus anglais que grec, le genre de vie y est devenu celui des Anglo-saxons, la foule étrangère submerge la culture grecque en un mot). Mais je ressens parfois les prémisses de l'entrée de l'île dans l'ère du grand tourisme.
Au reste la mairie locale favorise ce mouvement par sa présence sur les grands salons touristiques internationaux.
Attention, cette politique est à double tranchant : elle favorise le développement économique mais elle risque de faire perdre l'âme de cette Cyclade restée paysanne, conviviale, authentique et simple.
Attention, je pense que c'est précisément pour goûter cette authenticité que de nombreuses familles notamment françaises se sont installées à Tinos.

Amis Grecs ne vendez pas votre île pour une poignée d'euros !

jeudi 23 janvier 2020

Sentiers de Tinos

Une bonne nouvelle pour l'île : la réouverture et le balisage de 150 km de vieux sentiers paysans deviennent une réalité ! J'espère vivement que nous allons accueillir de nombreux groupes de randonneurs désireux de découvrir le coeur de Tinos, ses paysages et sa culture.






Cette initiative de la municipalité est un pas important en direction du tourisme durable, tourisme respectueux de la nature et des hommes, tourisme intelligent qui va permettre de recevoir hors des mois d'été de nombreux marcheurs qui vont vivifier l'économie locale.
Douze itinéraires thématiques permettent de sillonner l'île et de visiter ses principaux points d'intérêt, circuit du marbre, circuit géologique, circuit historique avec la visite d'Exombourgo et de ses sites antiques et vénitiens, circuit des moulins, des carrières...
Prochainement les marcheurs pourront télécharger sur leurs smartphones des informations sur les lieux qu'ils traversent. La réalisation prendra alors une vraie dimension culturelle en enrichissant les connaissances de tous.
Voici le lien qui vous permettra de préparer vos randonnées : https://www.tinostrails.gr/

Un petit regret toutefois, l'absence d'une version francophone de ce site. D'expérience beaucoup de randonneurs sont français ou francophones. Dommage !

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