L'évêque de Syra est arrivé aujourd'hui à Athènes apportant l'icône miraculeuse de la Vierge de Tynos (sic !) ...
Le métropolite d'Athènes est allé au Pirée recevoir l'icône qui a été apportée dans la capitale au chant des cantiques. La foule recueillie suivait priant Dieu de sauver le roi et d'avoir pitié de la Grèce.
Le Gaulois, 28 mai 1915
Début mai 1915 le roi Constantin premier tombe malade. Il est atteint d'une pleurésie purulente, maladie très grave à l'époque en l'absence d'antibiotiques.
Le fils aîné de Georges premier, assassiné en 1913 par un malade mental, est pour les Grecs un héros couronné : il est le général en chef victorieux des guerres balkaniques, celui qui a pris Thessalonique et la Macédoine égéenne aux Ottomans et a su les conserver à la bataille de Kilkis face aux redoutables Bulgares. Le peuple grec lui sait gré de ne pas s'être engagé dans la guerre européenne aux côtés de l'Entente comme le prône l'ex-premier ministre démissionnaire Eleftérios Vénizélos : les Français et les Anglais s'enlisent depuis février dans l'attaque des Dardanelles. En fait, le roi hésite à engager la Grèce dans le conflit, en dépit des promesses qui lui sont faites par les Alliés. S'il rêve comme tous les Grecs de reprendre Constantinople et de restaurer un empire byzantin, il sait que le tsar Nicolas II a lui aussi des visées sur la seconde Rome. Et les Bulgares pourraient attaquer la Serbie, avec laquelle la Grèce a conclu une alliance militaire. Et les Turcs entreprennent l'extermination des Grecs pontiques et menacent ceux de Smyrne ... Les nuages s'amoncellent.
Un bien mauvais moment pour tomber malade !
Le roi doit garder le lit à partir du 10 mai. Le Temps du 19 mai indique que l'état du malade demande de grands ménagements, que le repos absolu est recommandé et que la convalescence pourra être longue ... ralentissant les conversations relatives à la participation éventuelle de la Grèce au conflit. Il subit le 24 mai une opération permettant la pose d'un drain destiné à évacuer le pus. Deux spécialistes, le Pr Krauss et le Pr Eiselstein sont appelés de Berlin et de Vienne au chevet de Constantin.
Le Pr Krauss sera à Athènes peu après l'icône de Tinos dont on connaît la venue grâce à l'article du Gaulois.
L'icône de l'Annonciation de Tinos |
L'icône est présentée au roi - il a été baptisé orthodoxe - qui l'embrasse et la conserve à son chevet, manifestant ainsi son rôle à la fois national et religieux. Le 30 mai Le Temps constate l'amélioration de la santé royale : la température baisse puis redevient normale. Le 3 juin Krauss et Eiselberg disent qu'ils quitteront Athènes le lendemain, estimant que leur présence n'est plus nécessaire. Miracle ? Evidemment l'Eglise le proclame mais il faut rester prudents : dès le 6 juin Constantin subit une nouvelle opération qui met en évidence l'existence d'une cavité dans la partie basse du thorax. La température remonte à 40° et la situation du malade reste préoccupante jusqu'à la mi-juin, puis l'amélioration est nette; on évoque une convalescence au palais de Tatoï le 30 juin.
Entretemps le parti libéral de Venizélos a gagné les élections à la Chambre et le roi dont la santé est rétablie l'appelle comme premier ministre le 16 août. L'attaque conjointe des Bulgares et des Austro-Hongrois contre la Serbie en octobre ravive une opposition devenue irréductible entre les deux hommes. Constantin temporise puis refuse d'apporter une aide militaire active aux Serbes alors que Vénizélos accepte le débarquement à Thessalonique des troupes alliées revenues des Dardanelles. Elles y forment le noyau de l'armée d'Orient. Le conflit va conduire la Grèce vers le schisme national matérialisé par deux gouvernements, celui d'Athènes, inspiré par Constantin qui devient de plus en plus germanophile et celui de Vénizélos à Thessalonique, proclamé fin 1916, favorable aux Alliés et soutenu tout particulièrement par la France.
Constantin, déposé en juin 1917 par les Alliés, sortira vaincu de l'épreuve et connaîtra l'exil.