Selon la savante étude d'un architecte de Patras, publiée dans les années 1980, Tinos renfermerait un millier de pigeonniers, bien plus que dans les autres Cyclades ! Et quels pigeonniers ! Ces tours massives portant des merlons à leurs angles sont délicatement ornées de rouelles de triangles, de losanges qui forment une dentelle de pierre, attestent de l'habileté des maçons-paysans et de l'attention portée par leurs propriétaires à ces précieux édifices.
En 1204 les Croisés dévoyés de la Terre Sainte par le doge de Venise prirent la capitale byzantine, Constantinople, se répandirent en Grèce et dans l'archipel, créant un éphémère empire latin d'Orient au sein duquel les Vénitiens se réservèrent notamment les Cyclades, essentielles à leur commerce. Tinos fut atteinte en 1207. Les Ghizzi, seigneurs italiens, y transportèrent la religion catholique et le droit féodal occidental. Ce droit fut cristallisé par les Assises de Romanie dans la première moitié du 14ème siècle. En 1390 la république de Venise succéda aux Ghizzi et conserva ce droit qui réservait aux nobles, comme dans l'ancienne France, le droit de posséder un colombier.
La longue durée de la présence latine à Tinos - de 1207 à 1715 - explique le nombre des pigeonniers : on en trouve certes quelques uns à Andros ou à Naxos et ailleurs, mais ces îles passèrent dès 1537 sous la houlette des Ottomans qui abolirent le droit de colombier, ôtant à ces derniers toute signification de domination sociale.
Pigeonniers et conquérants latins
En 1204 les Croisés dévoyés de la Terre Sainte par le doge de Venise prirent la capitale byzantine, Constantinople, se répandirent en Grèce et dans l'archipel, créant un éphémère empire latin d'Orient au sein duquel les Vénitiens se réservèrent notamment les Cyclades, essentielles à leur commerce. Tinos fut atteinte en 1207. Les Ghizzi, seigneurs italiens, y transportèrent la religion catholique et le droit féodal occidental. Ce droit fut cristallisé par les Assises de Romanie dans la première moitié du 14ème siècle. En 1390 la république de Venise succéda aux Ghizzi et conserva ce droit qui réservait aux nobles, comme dans l'ancienne France, le droit de posséder un colombier.
La longue durée de la présence latine à Tinos - de 1207 à 1715 - explique le nombre des pigeonniers : on en trouve certes quelques uns à Andros ou à Naxos et ailleurs, mais ces îles passèrent dès 1537 sous la houlette des Ottomans qui abolirent le droit de colombier, ôtant à ces derniers toute signification de domination sociale.
Pigeonniers et féodalité latine
En effet la possession de pigeonniers signifiait noblesse, comme le port de l'épée, d'un blason et surtout le service militaire exclusif à la forteresse d'Exombourgo qui entraînait l'exploitation de seigneuries. Selon le P. Markos Foskolos les nombreux villages de Tinos dont les noms se terminent par -ados (Arnados, Ktikados, Skalados, Venarnados ...) proviennent des anciens fiefs latins : le village de Skalados, dont le nom italien est Cicalado, aurait été dominé par les Cicala, des nobles de Ligurie ou du royaume de Naples.
La reddition de la forteresse en 1715, ouvrant la voie à la courte période de domination ottomane, entraîna, comme dans le reste des Cyclades deux siècles plus tôt, l'abolition du droit de colombier.
Et conséquemment la construction de nombreux pigeonniers puisque désormais toute personne qui en avait les moyens pouvait accéder à ce prestigieux marqueur social .... et en utiliser les richesses.
Pigeonniers et agriculture ancienne
Parallèlement à ce qui vient d'être écrit il faut relever l'importance des pigeonniers dans l'ancienne agriculture.
Tinos connaissait le cercle vicieux commun à de nombreuses régions méditerranéennes : dans une économie autarcique et de subsistance, la culture des céréales était privilégiée, mais du fait de l'absence d'amendement et de la rareté du fumier, les rendements étaient très faibles, ce qui entraînait de longues périodes de jachères, la mise en culture des parcelles les plus ingrates et souvent la disette.
Tinos connaissait le cercle vicieux commun à de nombreuses régions méditerranéennes : dans une économie autarcique et de subsistance, la culture des céréales était privilégiée, mais du fait de l'absence d'amendement et de la rareté du fumier, les rendements étaient très faibles, ce qui entraînait de longues périodes de jachères, la mise en culture des parcelles les plus ingrates et souvent la disette.
Le 18ème siècle vit la population insulaire s'accroître jusqu'à compter le nombre de 20000 habitants. Le maximum fut atteint en 1809, selon un recensement ottoman. Pour se nourrir et se nourrir mieux les paysans désormais libérés du droit féodal se tournèrent vers un jardinage intensif en utilisant la fiente des pigeons comme engrais dans leurs parcelles situées près des sources et des zones humides. De très nombreux pigeonniers ont été construits au 18ème et dans le premier 19ème siècle dans ce but. D'où leur concentration dans les vallées comme à Tarampados, où l'on a su les mettre en valeur, ou à Agapi. D'où aussi la renommée des produits maraîchers de l'île. Notons enfin que les colombiers étaient une source de protéines, sous la forme de viande et d'oeufs.
Les pigeonniers de Tinos aujourd'hui
L'économie contemporaine de Tinos dont les bases sont le pèlerinage orthodoxe, la construction, la production d'artichauts primeurs et le tourisme estival a retiré aux pigeonniers leur fonction économique. Certes ils restent un des symboles de l'île mais beaucoup sont ruinés ou menacent ruine, trop peu sont entretenus - excepté dans la vallée de Tarampados - et bien qu'ils soient classés par le ministère de la culture hellénique leur restauration n'est pas encouragée financièrement. Il suffit de marcher sur les sentiers de l'île pour constater que cet antique patrimoine est en péril.
Je veux ici saluer le travail de Maya Tsoclis, présidente des Amis du Vert (Filoi tou prasinou) qui s'est donné pour objectif de restaurer le plus de pigeonniers possible et en appeler une nouvelle fois à promouvoir à Tinos un tourisme durable favorisant la découverte du patrimoine paysan. Le dégagement et le balisage du réseau de sentiers, décidé par la municipalité, est un premier pas dans cette voie.