jeudi 9 février 2017

Chora la petite capitale de Tinos

Si vous venez à Tinos par le ferry vous débarquerez forcément dans le port de la petite capitale de l'île, Chora.
Chora mérite autre chose que la réputation que lui font la plupart des guides touristiques des Cyclades qui insistent sur le pèlerinage de la Panagia et les boutiques de "bondieuseries" pas toujours de bon goût qui bordent la rue Evangélistria. C'est sévère ! Derrière les grands hôtels de béton construits pour les pèlerins qui enlaidissent le port, on trouve des ruelles charmantes où habitent et travaillent les Tiniotes. Ces ruelles ressemblent à celles de Myconos, l'authenticité en plus.

Un peu d'histoire

La ville actuelle s'est formée à partir de l'époque vénitienne autour des églises catholique de San Niccolo - c'est l'ancien nom de la ville - et orthodoxes de la Panagia Malamatenia et des Trois Hiérarques, et bien sûr autour de la plage où les caïques débarquaient des galères et des vaisseaux voyageurs et marchandises. A cette époque San Niccolo n'était que la modeste échelle de la capitale vénitienne d'Exombourgo et de sa forteresse où Tournefort comptait en 1701 500 maisons.



 La reddition puis le démantèlement de la forteresse en 1715 font tomber Tinos dans l'escarcelle des sultans, désormais maîtres de la totalité des Cyclades. L'événement inaugure plusieurs décennies de paix et de sécurité en mer Egée. Progressivement les habitants d'Exombourgo descendent vers la mer. La disparition de la tutelle vénitienne abolit la pratique de l'exclusif (toute marchandise devait passer par Venise). Le commerce peut se développer librement en direction des centres économiques de l'empire ottoman : Constantinople et Smyrne, l'industrie de la soie prend son essor, les navires de Marseille relâchent à Tinos qui verra s'installer les consuls des puissances maritimes d'Europe occidentale.

La révolution de 1821 - 1830, par laquelle la Grèce accède à l'indépendance, est marquée à Tinos par deux événements importants :
- l'installation à Chora de réfugiés grecs riches et entreprenants d'Asie mineure et des îles de Chios et de Psara;
- la découverte en 1823 d'une icône miraculeuse de la Vierge, attribuée à saint Luc en personne, entraîne la construction de la Panagia Evangelistria et l'institution du pèlerinage panhellénique de Tinos. La fondation du jeune Etat grec et l'invention de cette icône qui avait autrefois résisté à l'incendie allumé par les envahisseurs Arabes sont intimement liés. L'icône de Tinos prend une valeur patriotique.

Au 19e siècle Chora confirme son rôle commercial et  l'île développe les industries du marbre et du talc parallèlement à la sériciculture. Un véritable port doté de quais de pierre est substitué au môle vénitien en 1902. De belles maisons patriciennes, comme celle qui abrite la fondation culturelle, sont construites sur le front de mer et dans le nouveau quartier de Pallada. Plus tard, au 20e siècle, la ville se développera vers le sud dans la plaine que limite la plage d'Agios Phokas.

A voir à Chora

Naturellement une visite à la Panagia Evangélistria s'impose ! Dans l'église richement décorée je suis sensible aux ex-voto suspendus à la voûte : lampes ciselées, bateaux d'argent qui témoignent des miracles accomplis. Voir bien sûr l'icône elle-même, objet d'une intense piété populaire. On vient de toute la Grèce à Tinos pour elle.



Le musée archéologique renferme une immense jarre d'époque archaïque trouvée à Exombourgo qui représente la naissance d'Athéna, extraite toute armée du crâne de son père Zeus.
Et puis se balader dans les ruelles. Dans la rue Evangélistria il faut lever la tête pour goûter la beauté des maisons néoclassiques ; certaines portent encore le lion de saint Marc, emblème de Venise, ou des blasons latins prélevés dans les ruines d'Exombourgo. La vieille fontaine "turkish baroque" surmontée du buste du roi des Grecs Georges Premier est superbe. En montant, parmi les marchands d'objets de piété on distingue quelques bonnes boutiques d'icônes. Il règne là une ambiance de bazar balkanique et c'est charmant. L'église de san Niccolo est ornée de bas-reliefs sympathiques représentant le bon évêque de Myra, et aux 4 angles de son clocher elle porte des fleurs de lys, sans doute pour honorer les rois de France de la protection qu'ils accordèrent aux Latins d'orient depuis le seizième siècle. Tout à côté, c'est la vielle église orthodoxe de Malamaténia (la Vierge au ruban d'or).



De l'autre côté de l'avenue Megalochari on peut voir quelques maisons ottomanes à pans de bois et il ne faut pas rater le pélican Markos qui déploie ses ailes dans la boutique du poissonnier sur une petite place bordée de tavernes. Parfois il arrête toute circulation automobile et terrifie les enfants avec son grand bec et ses ailes immenses.



Laissons de côté le port des ferries. Après le café Koursaros commence le port de plaisance puis le port de pêche et sa petite criée (se lever tôt pour en profiter : il y a parfois des langoustes !). Le café Polymerion (mon préféré) occupe le rez-de-chaussée d'un immeuble néoclassique transformé en centre culturel.



On peut continuer jusqu'au chantier de réparation navale et monter sur la colline qui porte le monument commémoratif du torpillage du croiseur Elli par un sous-marin italien, le 15 août 1940.

lundi 6 février 2017

Maisons paysannes de l'Exomeria

L'Exomeria est la région du nord de Tinos. Littéralement, le mot signifie "partie en dehors". En effet l'Exoméria est séparée du reste de l'île par la chaîne de Pateles et on y accède par des cols. De ce fait la région n'est pas dominée par la forteresse d'Exombourgo et un gros village, Pyrgos (à l'époque vénitienne La Torre) fait figure de chef-lieu.
Au sud-est du bassin de Pyrgos la montagne dégringole dans la mer, créant ainsi des pentes raides très exposées au redoutable vent du nord, le Vorias. Fortes pentes et exposition au vent se conjuguent pour rendre cette zone défavorable à l'occupation humaine. Aussi a-t-elle été abandonnée par les habitants dans les décennies qui encadrent le second conflit mondial.
Il n'y avait pas de villages dans cette zone austère mais une multitude de hameaux composés de maisons occupées en permanence ou lors des gros travaux des champs par les paysans et les bergers : Karaboussa, Agios Antonios, Agia Paraskevi, Koris Pyrgos, le seul qui revive maintenant, du moins en été, etc., toujours localisés près d'un point d'eau. Car l'eau qui descend de Pateles abonde.

Le hameau de Karaboussa


Ce sont les restes d'habitats et les témoignages de l'activité agricole ancienne qui vont maintenant nous intéresser.



Les maisons, ou mieux les katikiès, ces maisons de plain-pied servant d'abri temporaire sont le plus souvent construites comme les bergeries : les murs "grossissent" au sommet et c'est là que l'on pose horizontalement les grandes lauzes qui forment le toit.




A l'intérieur on va systématiquement trouver un foyer toujours remarquablement bien construit et tout à côté des niches pratiquées dans la maçonnerie. Ces niches servaient de placards pour les provisions et le matériel de cuisine. A l'extérieur la cheminée est un simple trou parfois couvert d'une jarre percée pour améliorer le tirage.

Et un lit de pierre pour tout meuble !


Très souvent on trouve aussi un pressoir par foulage, le patitiri  et un rakizio, c'est à dire le réfrigérant de l'alambic dans lequel on fabriquait le marc local, le raki. Chaque famille faisait en effet son vin et son alcool.


Le pressoir par foulage se compose d'une cuve de pierre dans laquelle on dépose les grappes et d'un bassin pour l'écoulement du moût. On se déchausse et on foule aux pieds !


Les rafles fermentées sont distillées dans l'alambic familial, en cuivre et parfois en poterie. Le nez de l'alambic était plongé dans un réservoir d'eau formé de plaques savamment maçonnées pour assurer la condensation des vapeurs chargées d'alcool.


Au dehors, des bergeries, bien sûr et des aires à battre le grain, les alonia. Les ânes écrasaient les épis moissonnés à la faucille et extrayaient ainsi les grains qui étaient séparés du son par le grand vent de l'Exoméria.


Souvent aussi des loges de ruches avec parfois des ruches locales de terre cuite conservées.


Enfin des objets de la vie rurale traditionnelle, comme cette pierre taillée pour entraîner l'écoulement du petit lait ou cet abreuvoir creusé dans la pierre. Des objets simples et émouvants.





Après avoir visité Pyrgos et dégusté du galaktoboureko dans un des cafés de la place du Platane n'hésitez-pas, bien chaussés, à vous engager sur les sentiers presque inconnus de l'Exoméria !


mercredi 1 février 2017

Moulins à eau de Tinos

Des moulins à eau dans les Cyclades ? Impossible, trop sec ! Pourtant j'en connais deux à Tinos, dans le village d'Agapi, un dans celui de Perastra, un près de Lychnaftia et je vous invite à découvrir les vestiges d'un moulin récemment découvert qui se trouve sur le ruisseau de Falatados, entre le village et le lieu-dit Manganari.
Expatrié en Grèce
Bien sûr il n'y a pas à Tinos de rivière motrice digne de ce nom et l'ingéniosité paysanne a dû inventer une forme particulière de moulin dont les caractéristiques principales sont :
- un vaste bassin de rétention des eaux;
- une grande hauteur de chute, qui permet à l'eau d'agir par sa vitesse acquise et par son poids;
- une roue à axe vertical et à augets -comme souvent en Méditerranée- qui reçoivent directement le choc de l'eau venant du conduit de chute. Une ancêtre de la roue Pelton !

Le bassin de rétention
A Falatados le bassin de rétention est une enceinte maçonnée, autrefois crépie (il reste des traces d'enduit) pour l'étanchéité. Le sol du bassin est couvert d'argile imperméable. Cette enceinte est liée à un ruisseau minuscule, intermittent, affluent de celui du fond de la vallée. Evidemment, le bassin se remplissait en hiver et au printemps et son eau était conservée jusqu'à la moisson. Juste au dessus du conduit de chute, on trouve la vanne de pierre.


Le conduit, que l'on peut assimiler à une moderne conduite forcée, est en pierre et soigneusement enduit. Cet enduit est bien conservé.


A proximité des augets de la roue, le conduit se resserre. Malheureusement la roue n'existe plus. Sans doute était-elle construite en bois, avec le minimum de parties métalliques.
Mais son axe est encore là.
Au dessus de la chambre de la roue, les meules à farine en pierre volcanique (Santorin, Milos ?) sont toujours en place.

La chambre des meules


Le tout est complété par un déversoir : les eaux rejoignaient ainsi leur exutoire, le ruisseau de Falatados.

Fabuleuse Tinos si riche de son patrimoine paysan ! Tout près de là, une fontaine ruinée et son indestructible colonne...


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