mercredi 6 mars 2019

Eoliennes géantes à Pateles : soutenons la pétition de la mairie de Tinos !

Des mâts de 170 m ! Malheureux habitants de Kardiani et d'Ysternia, pauvre et fière montagne de Pateles ...
Un champ de petites éoliennes coûterait trop cher. Décidément le capital se fout de l'environnement et des restanques de Tinos récemment classées par l'UNESCO. Et tout autant du vieux sentier vénitien des crêtes qui sera détruit entre Floporia et Karabinia !


Les sites des éoliennes projetées au dessus des villages d'Ysternia et de Kardiani


Voici le texte que me m'a fait parvenir une amie :


Le mouvement des Verts grec et la fondation Theofrastos green demande la cessation immédiate des activités et l'annulation des permis d'exploitation de parcs éoliens à Tinos et publie la déclaration suivante :

"Il est regrettable que l'île de Tinos, caractérisée par sa beauté naturelle, sa biodiversité, son tourisme et surtout son identité culturelle, exemple unique de l'architecture traditionnelle, soit sacrifiée sur l'autel du" développement " 

Le Mouvement vert a maintes fois formulé ses positions en faveur des sources d’énergie renouvelables, de manière à ce qu’elles servent la pensée politique verte et le développement durable. C’est contre les parcs de production de masse pharaoniques et seulement pour les petites unités locales que l’on respectera pleinement les principes d’écologie, d’environnement, de développement culturel local, d’écosystème local et de la spécificité de chaque lieu de production.

Sur ce sujet, Nikos Papadakis, président de Theophrastus Green Foundation, dénonce : à Tinos, sous le prétexte, à tort, de fournir une énergie propre et un développement vert, on assiste à un crime environnemental et culturel de grande envergure

"L'installation massive d'éoliennes sur l'île n'est pas liée aux besoins locaux. Tinos est une rareté dans la beauté et la biodiversité du territoire grec et, comme on peut s'y attendre d'interventions de cette ampleur, l'esthétique du paysage et la disposition naturelle des crêtes sont déformées et le paysage magnifique fragmenté. Les éoliennes à installer auront généralement une hauteur de 70 à 120 mètres et pour chaque éolienne nécessiteront au moins 400 mètres cubes de béton, de nouvelles routes d'accès seront ouvertes jusqu'au sommet des montagnes jusqu'à 10 mètres de large, sur des pentes abruptes, avec modification de la physionomie de la région ainsi que la construction de routes internes dans les parcs éoliens. Les études d’impact sur l’environnement ne comportent pas d’études hydrogéologiques, de sorte que l’excavation des sols et le fonctionnement des éoliennes risquent de perturber les eaux souterraines et de surface et de détruire la structure hydrologique de l’île. Les impacts ultérieurs sur les villages alimentés par les sources de ces montagnes ainsi que sur la production agricole primaire sur une île avec un problème de captage d'eau pendant la plupart des années sont également incalculables. La construction de nouvelles routes entraînera une fragmentation des habitats et affectera également l'économie rurale traditionnelle, car les terrasses montagneuses sur les flancs des montagnes seront détruites par l'ouverture de nouvelles routes. Les effets sur l'économie locale seront également catastrophiques. Avec la création d'un paysage industriel, le tourisme doux, naturel et alternatif ainsi que le tourisme culturel qui se développe sur l'île subira de graves dommages. Le paysage cycladique "fait main" de Tinos, avec ses alternances importantes, est unique et est resté pratiquement inchangé depuis des siècles avec les terrasses, les murs en pierre sèche (qui ont récemment été inscrits sur la liste du patrimoine culturel de l'Unesco), le plus grand réseau de sentiers cycladiques , les fameux pigeonniers et une cinquantaine d’établissements traditionnels. "

Le Mouvement vert et le candidat du gouverneur régional de l'Attique et président de la "Theophrastos Green Foundation", Nikos Papadakis, invitent les citoyens qui ne sont pas d'accord "avec le désastre environnemental qui a été lancé à signer la résolution du ministère de l'Environnement et de l'Énergie intitulée" éoliennes sur l’île de Tinos "et ensuite de le communiquer pour le diffuser" sur le lien: https://secure.avaaz.org/el/community_petitions/Ypoyrgeio_Perivallontos_kai_Energeias_Ohi_stis_anemogennitries_sto_nisi_tis_Tinoy

dimanche 20 janvier 2019

L'imbroglio macédonien

Depuis l'hiver 2018 la question macédonienne enflamme à nouveau l'opinion grecque et nous, Français ne comprenons pas grand chose à cet imbroglio issu des siècles passés, ravivé par le nationalisme de l'Etat grec aux 19 e et 20 e siècles et désormais compliqué par le jeu fourré des USA dans les Balkans.




La querelle actuelle remonte à la décomposition de la Yougoslavie et à la proclamation en 1991 à Skopjé d'une république indépendante de Macédoine prenant pour symbole national le soleil de Vergina, l'emblème d'Alexandre le Grand. En Grèce la réaction est violente : embargos, campagne pour empêcher la reconnaissance internationale du nouvel Etat, manifestations de masse. Au delà de la querelle sur le nom et les symboles - Alexandre le Grand appartient évidemment au patrimoine hellénique - les Grecs redoutent de voir Skopjé revendiquer des territoires en Macédoine égéenne, acquis lors des guerres balkaniques et partiellement peuplés de Slaves macédoniens.

Mais le conflit a des racines profondes. Comme la Grèce, la Bulgarie ou la Serbie, l'actuelle république de Macédoine est un territoire post-ottoman issu du partage de la province de Thessalonique où se côtoyaient tant bien que mal chrétiens orthodoxes et musulmans, Slaves, Albanais, Grecs, Valaques et Juifs, minorités installées souvent par la volonté des sultans. En 1912 - 1913 les armées bulgare, serbe et hellénique ont arraché ce territoire plongé dans la guerre civile (guerre des Komitadjis) à l'Empire ottoman puis l'ont partagé dans la douleur, Serbes et Grecs en recevant la meilleure part, la Macédoine égéenne et Thessalonique pour les Grecs, celle du Vardar avec la route reliant l'Egée à l'Europe centrale pour les Serbes et celle du Pirin, stérile et montagneuse pour les Bulgares. Ce partage, effectué dans le contexte d'Etats-nations de type moderne ("westphalien" pour Georges Prévélakis) a entraîné des politiques d'assimilation, de déplacement, d'appropriation culturelles et même de purification ethnique appliquées aux minorités linguistiques et religieuses par les Etats-nations. En Grèce, la langue slave a été proscrite, les patronymes hellénisés; les Macédoniens sont devenus des Serbes du sud pour Belgrade, les Albanais ont été traités en sujets de seconde zone par tous et les musulmans souvent chassés vers la Turquie. Durant la seconde guerre mondiale les Bulgares et les Albanais, alliés de l'Axe ont pris une cruelle revanche. Enfin, durant la guerre civile grecque et dans le contexte de la guerre froide, Tito et Dimitrov lancèrent l'idée d'une fédération balkanique regroupant les trois Macédoines, au grand scandale des Grecs...
Tout cela a laissé des traces dans la conscience douloureuse des peuples. Il est impossible de considérer les guerres de Yougoslavie de 1990 - 95 sans se référer à l'histoire : les cadavres dans le placard abondent ! Ces peuples voisins ne s'aiment pas. Ou au minimum nourrissent les uns envers les autres une lourde méfiance.

La géopolitique actuelle vient ajouter une couche de complexité qui fait peu de cas de l'histoire profonde.
La guerre de Syrie nous fait vivre un retournement des alliances dont les conséquences se font sentir dans les Balkans tout entiers : la Turquie d'Erdogan, membre de l'OTAN, se rapproche de la Russie dans un contexte d'avancée de l'influence occidentale en Ukraine, en Albanie, au Kosovo et en république de Macédoine. La quasi-défection des Turcs comme gardiens des détroits et comme opposants naturels à l'accès de la puissance russe en Méditerranée renforce de fait le rôle stratégique de la Grèce.
Alors que Russes et Grecs partagent une relation ancienne et de nombreuses valeurs, Alexis Tsipras choisit clairement son camp, celui de l'Occident :
- dans l'hiver 2018 il annonce son intention de normaliser les relations de la Grèce avec Skopjé, où les élections de décembre 2016 viennent de porter au pouvoir un pro-occidental, Zoran Zaev; Tsipras indique que son pays ne s'opposera plus à l'entrée de la Macédoine dans l'OTAN et dans l'Union européenne; des manifestations monstres sont organisées à Thessalonique et Athènes;
- en juin 2018 un accord est trouvé entre Tsipras et Zaev : La Skopia, comme disent les Grecs va s'appeller Macédoine du Nord;
- en juillet 2018 : sous prétexte d'ingérence, des diplomates russes sont expulsés de Grèce. Il s'agit clairement d'isoler la Russie dans les Balkans où elle ne peut plus compter que sur la Serbie;
- en janvier 2019 Tsipras fait approuver de justesse par le parlement les nouvelles relations qui unissent Grèce et Macédoine du Nord, au prix de la démission du ministre Kammenos.

Si l'on suit les idées de Georges Prévélakis qui voit dans la position géostratégique de son pays une source de rente étrangère, européenne et américaine, on peut penser qu'une nouvelle vague de népotisme et de corruption va nourrir les "élites" grecques. Je renvoie à la fiche de lecture de Qui sont les Grecs ?
On peut aussi s'étonner de la plasticité du Premier ministre Tsipras, soi disant de gauche radicale qui devient la marionnette de Trump et de Juncker, contre le sentiment de son peuple. Je ne prétends pas qu'il faille soutenir en tous points le nationalisme grec, je ne crois pas à une revendication de territoires par la Macédoine du Nord, mais je m'étonne de voir évoluer ainsi un dirigeant qui pouvait incarner un contre pouvoir en Europe orientale et préparer efficacement l'instauration de rapports meilleurs entre l'Europe et la Russie.


mercredi 9 janvier 2019

A propos de quelques objets conservés au musée d'art populaire de Loutra

En 1840 les Jésuites de Tinos abandonnèrent leur maison d'Exombourgo pour s'installer à Loutra. Leur nouveau monastère, où ne réside plus aujourd'hui qu'un seul Père, comprend un vaste enclos nourricier, une église, un ensemble de 15 chambres, une vaste cuisine, un salon de réception, une bibliothèque et un atelier dans lequel étaient préparés les produits agricoles destinés aux besoins de la communauté, qui comme tout le monde à Tinos, vivait dans une quasi autarcie.
C'est dans cet atelier que les Jésuites ont rassemblé autour d'un moulin à olives et d'un pressoir, de nombreux objets qui témoignent du travail et de la vie quotidienne des Tiniotes. On ne peut que saluer leur souci de préservation et de mise à la disposition du public du patrimoine paysan.

Les outils du laboureur

On trouve à Tinos deux types d'araires, une grande, destinée au travail des champs et une petite adaptée au travail des jardins. Toutes deux sont construites en bois dur et sont équipées d'un soc amovible, susceptible de passer à la forge; beaucoup de bois et peu de métal, produit cher venu de loin !


Debout contre le pilier on remarque le joug, très simple, qui unissait la paire de boeufs et les différents types de houes. La bêche, mal adaptée aux sols durs, semble inconnue.


Enfin la herse de bois, munie de petites dents de fer.



De tels outils permettent seulement d'égratigner la terre mais sont légers et susceptibles d'être transportés sur les terrasses difficiles d'accès. Ils sont les témoins de cette agriculture méditerranéenne pauvre, aux rendements faibles, aux fréquentes jachères. On ne cultivait pas de froment mais des céréales rustiques, seigles, épeautres. On trouve toujours ces graminées à l'état sauvage en se promenant dans l'île.

La presse à fromage, en marbre, permettait l'écoulement du petit lait et la fabrication de la féta locale, le mastelo..


On remarquera la croix simplement gravée sur la pierre : le matériel et le spirituel sont étroitement associés.

Le bât de l'âne renvoie à la nécessité de se déplacer de parcelle en parcelle; telle partie du terroir est favorable à la vigne ou aux oliviers, telle autre aux emblavures et les montagnes servent de pacage. Le paysan monté sur son âne porteur de couffins constitue une image traditionnelle qui n'a pas encore totalement disparu.


Les paniers de fabrication locale - la spécialité de Volax - permettaient de tout transporter à l'exception des liquides. Il en existe de toutes tailles ! Leur armature est en bois de gattilier, leur tissage en osier de Volax.


Pour stocker ou transporter les liquides ou produire des ruches on fait appel à la céramique, également très diverse et adaptée aux usages spécifiques, ainsi ces jarres de Marseille vernissées utilisées pour conserver l'huile d'olive. On trouve à Gastria, tout à côté de la mer d'où venait le combustible des fours de potier encore en place et une multitude de tessons !

Jarres de Marseille
Ruche traditionnelle
A ces objets paysans le musée associe des marbres architecturaux en provenance de la ville d'Exombourgo, l'ancienne capitale de l'île, et une collection d'appareils de projection issue de l'activité de catéchèse des Pères.
Surtout, on a conservé en place le moulin à olives de la communauté. Je lui consacrerai un article de ce blog.  

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