vendredi 23 décembre 2022

Inquiétudes



 Depuis 2016 Tinos reçoit au mois d'août de plus en plus de visiteurs, surtout des vacanciers grecs qui viennent s'ajouter aux étrangers, surtout Français et Suisses et aux Athéniens qui ont leurs racines et souvent leurs maisons dans l'île. Le maximum est atteint aux alentours du 15 Août lorsque les pélerins arrivent à leur tour. Certes ce n'est pas Mykonos...



Cette fréquentation a bien entendu des aspects positifs : elle enrichit Tinos, ses commerçants, ses prestataires de services, ses loueurs de chambres et de maisons (dont je suis), ses taverniers.

Mais la médaille a son revers. Durant deux à trois semaines il est difficile de circuler sur des routes étroites, conçues pour les 8000 habitants permanents de l'île et très difficile de stationner en ville et aux abords des plages les plus populaires. Durant ces semaines les ressources en eau s'épuisent et il faut recourir à des camions citernes pour remplir les réservoirs des villages. D'autant que les possesseurs de piscines (c'est ridicule à quelques Km de la mer !) les remplissent avec le précieux liquide et que certains lavent leurs voitures au jet ! Et puis les fosses septiques n'ont pas été calculées pour la population estivale et seule la ville de Chora dispose d'une station d'épuration. Enfin le ramassage des ordures ménagères ne suit pas et il n'est pas rare de voir les poubelles déborder.

Il faut s'interroger devant cette situation qui affecte toutes les Cyclades. On me dit que c'est pire à Paros ou à Naxos et je suis persuadé que des solutions de régulation existent mais elles sont coûteuses et leur mise en pratique exigerait de la municipalité beaucoup de courage politique. Voici quelques pistes :

- fixer un quota de véhicules à 4 roues en liaison avec les compagnies maritimes en excluant les résidents bien sûr;

- aménager des espaces de stationnement payant, ce qui produirait des fonds pour investir;

- instituer une taxe de séjour pour dégager d'autres ressources;

- interdire la construction de piscines alimentées à l'eau potable et augmenter très sensiblement le prix de ce bien commun pour les gros consommateurs;

- avec ces moyens nouveaux et des subventions à rechercher investir davantage dans le tri sélectif des ordures et dans le ramassage, installer des fosses biologiques dans les villages ( l'industrie grecque est leader dans ce domaine);

- promouvoir l'image d'une île respectueuse de son environnement et de ses traditions, comme le fait Tilos dans le Dodécanèse, pour décourager les seuls fêtards et encourager un tourisme durable.

Sur un autre plan je redoute, durant ces quelques semaines tout au moins, un changement de comportement des Tiniotes, habituellement acceuillants et honnêtes. Beaucoup d'argent à gagner sur une très courte période peut ouvrir la voie à des dérives : hausse subite des prix, baisse de la qualité des relations, promotion du genre de vie mykoniote (nuit à faire la fête, lever à midi, brunch, plage sur un sun bed et rebelote !), avancée de la culture mondialisée, perte des repères et des traditions.


Surtout ne perdons pas notre âme pour quelques poignées d'euros !!!

jeudi 22 décembre 2022

Sculpter le marbre de Tinos

En 2020 mon fils tailleur de pierre, Antonin, m'a offert une trousse d'outils pour sculpter en faible relief, soit une collection de ciseaux au tungstène et une massette. Et il m'a mis le pied à l'étrier pensant que c'est à Tinos et avec le marbre local que son père allait s'exercer.

Bien vu ! il y a dans l'île de nombreuses carrières abandonnées de marbre blanc ou gris où l'on peut trouver encore de jolis morceaux à travailler. En progressant il a fallu ajouter aux outils de base un ciseau fin acheté à Pyrgos, des rifloirs, c'est à dire de petites limes avec lesquelles on commence le polissage et des brosses à polir à adapter sur une visseuse classique. Plus un établi portable, des chiffons et des lunettes pour la protection des yeux.




J'ai modestement commencé par la gravure : Anno domini 1641 (en l'année du Seigneur 1641)  soit la date de la construction de notre pigeonnier de Papadia.

Et puis j'ai osé, raté, cassé et parfois réussi la sculpture de motifs empruntés aux tympans, aux blasons des familles franco-levantines de l'île, aux encadrements de portes et de fenêtres des églises. Des témoignages de l'art populaire de Tinos. Des fragments.

Et je peux vous assurer que c'est une activité passionnente qui m'a donné un réel plaisir ! Dessiner (souvent avec l'aide de Sylvie), reporter le dessin sur la pierre à la pointe sèche, sculpter, polir : voilà les étapes d'une tâche qui mêle travail artistique, travail intellectuel (il faut réfléchir avant chaque coup de ciseau) et effort physique.

Ci-dessous quelques créations de 2021 et 2022.. Un peu d'auto-satisfaction que diable !


Janissaire, figure apotropaïque 

 


L'aigle bicéphale des empereurs byzantins

Navire

Blason de la famille Gripari

Fragment de fenêtre, église de Kato Klisma

Chasseur, figure apotropaïque

Licorne Couvent des Franciscains de Mesi







mercredi 30 mars 2022

Parcs éoliens de Tinos : comment perdre la maîtrise de son territoire

 Mon épouse et moi étions à Tinos à la fin de février. Par une belle journée déjà printanière nous nous sommes rendus à Agios Phylaktos, la dernière des plages de la baie de Kolimbitra d'où nous avons vu tourner les pales de trois éoliennes installées pendant l'hiver à Prasa, sur la chaîne de Pateles. Des éoliennes assez discrètes -mâts de 55 m, pales de 40- mais vues de loin !


Les éoliennes de Prasa


Rentré en France j'ai relu l'excellent article d'Anastasia Psaltis publié par le Petit journal de Tinos en mars 2021. Cet ingénieur dévoile la sauce à laquelle Tinos et les Cyclades vont être mangées.

Voici le lien : https://lepetitjournaldetinos.gr/eoliennes-tinos-se-revolte-pourquoi-2/

A Tinos la prochaine étape verra l'installation de 15 éoliennes géantes à Marlas avec des mâts de 150 m. A terme ce sont 77 sites qui pourraient recevoir des éoliennes sur notre île.

Les autres Cyclades ne sont pas oubliées -sauf Mykonos ?- : 235 machines à Naxos et dans les petites Cyclades, 68 à Amorgos, 105 à Paros, etc.

En 2023 date prévue pour l'interconnexion des Cyclades avec le continent; les îles pourraient produire 332 MW, soit l'équivalent du tiers d'une centrale nucléaire française mais avec une différence fondamentale : les réacteurs des centrales tournent constamment, les éoliennes uniquement en cas de vent et en fonction de la force de ce dernier.

Cet inconvénient majeur n'a pas posé de problèmes à l'autorité grecque de régulation énergétique (PAE) qui octroie les licences d'exploitation des parcs éoliens depuis 2010. En pratique l'Etat grec a délégué à cet organisme l'exécution des directives européennes contenues dans le troisième "paquet" énergétique de l'UE de 2009.

Et le parlement grec a transformé ces directives en lois nationales : la loi 3851/2010 permet sans aucune restriction la construction de parcs éoliens, la dernière loi sur l'environnement (4685/2020) a encore simplifié et accéléré les procédures, empêchant pratiquement les pouvoirs locaux de s'opposer efficacement à l'installation de parcs industriels. Le maire de Tinos en a fait les frais.

Dit d'une autre manière les Tiniotes et tous les habitants des Cyclades ont perdu la maîtrise de leurs territoires dans le cadre de cet enchaînement désormais classique : directives européennes issues d'un pouvoir qui n'a rien de démocratique, soumission des institutions nationales, délégation à une agence technocratique, concession à des sociétés privées dont le seul but est d'engraisser leurs actionnaires.

l'Europe, la plus grande démocratie de la planète ???

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