lundi 11 janvier 2016

Ce qui ne va pas en Grèce

J'aime la Grèce au point d'y vivre et d'y travailler une partie de l'année. Et j'aime le peuple grec qui m'a donné de nombreux amis sincères et fidèles. Toutefois ma situation de semi-expatrié et la crise ouverte dans laquelle le pays est plongé depuis 2008 m'invitent à exprimer ce qui, à mon sens et vu de mon île de Tinos, ne fonctionne pas ou mal en Grèce. Je prendrai pour ce faire des exemples concrets, en racontant des faits où j'ai été personnellement acteur ou bien des situations dans lesquelles des proches se sont trouvés mêlés. Enfin j'organiserai mon propos autour de thèmes directeurs : conservatisme, chacun pour soi, refus de l'Etat, corruption, bureaucratie.

Conservatisme
Tinos vit de son pèlerinage célèbre, d'un peu de tourisme l'été, d'agriculture, surtout vivrière, et avant la crise la construction était une activité importante. Le rêve de beaucoup est le retour pur et simple aux années de prospérité 2000 - 2008, lorsque les maisonnettes poussaient comme des champignons à Porto ou à Triandaros ! Soyons réalistes : il faudra beaucoup de temps pour que le pouvoir d'achat des Athéniens soit restauré et qu'ils se remettent à acheter des maisons de week-end à Tinos. Il faudrait trouver de nouvelles voies de développement pour l'île : tourisme durable, promotion des excellents produits agricoles locaux, essai de nouveaux produits ou de nouvelles techniques. Malgré quelques initiatives (plantation de cépages nobles, essais de culture de capriers, d'aloès), ces voies restent très peu explorées. Lorsque j'ai débuté mon activité de maître de stages de distillation de plantes sauvages, tout le village de Skalados ou presque m'a pris pour un gentil fada, les huiles essentielles n'appartenant pas à la tradition locale. Lorsque je plante dans mon jardin des variétés de tomates françaises ou des courgettes italiennes, je me heurte à la méfiance : ces légumes ne sont pas d'ici, ils ne pousseront pas. Et que dire du voisin d'un de mes amis qui a pour principe, en dépit d'un climat très changeant, de vendanger sa vigne systématiquement le 7 septembre parce que son père faisait ainsi et que le père de son père faisait ainsi ! Certes la tradition permet à l'homme de se situer dans une perspective culturelle, mais elle peut devenir un boulet que l'on traîne et s'opposer gravement à l'innovation créatrice.
Attention enfin, si vous réussissez, on va vous imiter !

Chacun pour soi
J'ai envie de rajouter et Dieu pour tous, puisque les non pratiquants, orthodoxes ou catholiques sont peu nombreux. Mais que penser du voisinage entre une rutilante Porsche Cayenne coûtant 150 000 EUR et un pauvre véhicule vieux de 20 ans ou plus dont les plaques d'immatriculation ont été retirées suite à l'impossibilité pour son propriétaire de payer la vignette auto... Cette scène, dans une rue de Krokos, aurait mérité une photo. Autre exemple : deux gréco-américains originaires de Tinos se baladent dans les villages avec une énorme Ford mustang décapotable. Ils ne parlent qu'anglais - la langue de la réussite - avec l'accent yankee, font tout pour montrer qu'ils regorgent de dollars et sont l'objet de la vénération universelle.  Oui, en Grèce l'extrême pauvreté (des retraites paysannes à 200 EUR mensuels) voisine avec l'opulence ostentatoire de quelques uns et c'est très choquant. Lorsqu'on rencontre un problème économique, on se tourne d'abord vers sa famille et on se soumet, on ne cherche pas à exiger davantage de justice sociale. Parfois on entre dans la clientèle d'un puissant ou supposé l'être.

Refus de l'Etat
Sans doute la petite Grèce n'a pas réussi à atteindre les objectifs qu'elle s'était fixée aux 19e et 20e siècles, la restauration de l'Empire de Byzance pour faire simple, sans doute est-elle restée à bien des égards un morceau de l'empire ottoman (cadastre ou rôle des clientèles par exemple). Et les Grecs en ont conçu de l'amertume. Tout de même, La Grèce existe depuis 1830 sur la scène internationale et a su générer des hommes d'Etat de premier plan, comme le grand Crétois Venizelos ou repousser l'agression fasciste de 1940. Malgré cela, on peut aujourd'hui écrire comme il y a 100 ans que l'Etat grec est à construire à partir de la base, la collecte de l'impôt, acquise en France depuis le 17e siècle. Le nouvel impôt foncier (EMFIA), qui frappe toutes les propriétés dans un esprit de justice (mais il y a des bavures) est appelé kharadj par les contribuables. Savez-vous ce qu'est le kharadj ? Un impôt discriminatoire perçu par le pouvoir ottoman et reposant sur les seuls Chrétiens afin de racheter leur exemption du service armé. Lorsque je travaillais en France, j'étais conservateur de bibliothèque, terme que le dictionnaire de Mirambel traduit d'une manière erronée par éphoros. En grec moderne, l'éphore, c'est le percepteur, le phoros, autrefois le tribut, c'est l'impôt. Pensant que j'étais en France un collecteur d'impôt, mes voisins de Skalados ont, pour rire bien sûr, aiguisé leurs couteaux... Le refus de l'impôt empêche la constitution d'un Etat juste et concentre le fardeau fiscal sur ceux qu'il est facile de contrôler, les salariés, les retraités. Il faut rompre ce cercle et faire payer les possesseurs de Porsche Cayenne. Je renvoie à l'excellent roman de  Pétros Markaris, Le Justicier d'Athènes.

Corruption et arbitraire
Je n'ai jamais été directement confronté à des fonctionnaires corrompus, mais j'ai peur  ! Un ami, acheteur il y a quelques années d'une maison paysanne à Tinos, a dû attendre 5 ans son permis de rénover : une commission, en préfecture à Syros, lui réclamait sans cesse des documents nouveaux ou faisait la morte des mois durant. Peut-être voulaient-ils quelques billets dans une enveloppe. Le problème a trouvé une solution rapide dans le cadre d'une plainte devant la cour européenne des droits de l'homme. Le service des permis de conduire de Syros était corrompu et son directeur a connu des ennuis judiciaires. Obtenir un permis était simple : il fallait glisser une enveloppe bien garnie dans les mains de l'inspecteur. Je tremble enfin devant l'arbitraire : un fonctionnaire grec peut causer de très graves ennuis à un homme honnête et les recours sont bien compliqués.

Bureaucratie
Cet Etat mal construit souffre de sa bureaucratie. J'ai eu besoin au printemps 2015 d'une traduction officielle de pièces concernant ma petite entreprise. J'ai confié l'opération à un avocat qui  a adressé les pièces au ministère des affaires étrangères à Athènes et m'a demandé d'avancer les frais de traduction. Un mois, 2, 3 mois passent, toujours rien. En septembre, l'avocat me téléphone : les documents lui ont été retournés non traduits car il manque l'apostille qui les authentifie. Me voilà donc renvoyé vers le tribunal de commerce dont je dépends en France. Et pourtant ce sont bien les documents originaux que j'ai transmis ! Dites-moi comment entreprendre dans ces conditions ! Indirectement, c'est encourager le travail au noir. Au reste c'est ce type de travail qui permet à beaucoup de Grecs de vivre.

Un héritage de l'histoire
J'y pense sans cesse : la Grèce, ottomane du 15e au 19e siècle n'a pu connaître ces grandes sources de l'esprit critique qu'ont été la Renaissance et surtout les Lumières. L'Eglise, non séparée de l'Etat y est omniprésente, véhiculant une tradition parfois anti-occidentale et conformiste. Les Ottomans ont cristallisé corruption et clientélisme (il existe toujours dans certaines régions un vote de clientèles). Enfin les rois du 19e étaient des étrangers, Bavarois puis Danois, mal ressentis par le peuple : ils ont construit un rêve néoclassique et un parlementarisme de façade. Le peuple est resté étranger à tout cela enfermé dans des mentalités qu'un historien français peut qualifier d'ancien régime.
Je pense que le gouvernement Tsipras, mis en tutelle par les créanciers du pays, doit s'attaquer courageusement à la réforme de l'Etat, dans une optique d'aggiornamento : justice fiscale, lutte contre les corrompus et les bureaucrates, encouragements à l'innovation. Cette réforme coûte peu. Voici la tâche d'un gouvernement d'hommes neufs : reconstruire un Etat juste qui saura être populaire.

dimanche 3 janvier 2016

Que peut-on espérer du gouvernement Tsipras ?

Il y a 11 mois les Grecs élisaient leur parlement et donnaient à une force nouvelle, SYRIZA, une majorité d'élus. Un gouvernement de gauche radicale, présidé par Alexis Tsipras, accédait au pouvoir en Grèce et promettait au peuple de se battre pour casser le carcan de l'austérité toxique imposée par les créanciers. Un immense espoir soulevait le pays et débordait ses frontières. Le ministre des finances Varoufakis bousculait les concepts néo-libéraux et tentait de convertir ses collègues de l'Eurogroupe à une vision macro-économique ambitieuse.
Le printemps et l'été de 2015 ont vu tomber tous ces espoirs. Dans la nuit du 13 juillet, coincé entre la volonté du peuple grec de rester dans l'Euro, l'intransigeance des prêteurs et l'asphyxie de l'économie du pays, sciemment organisée, Alexis Tsipras cédait aux créanciers, acceptait globalement les politiques d'austérité et, plus grave encore, une véritable mise sous tutelle de la Grèce : toute décision coûteuse du gouvernement grec devant être soumise à l'approbation d'une troïka restaurée et renforcée !

Dans ces conditions, qu'attendre du deuxième gouvernement Tsipras ? Certes des escarmouches, comme lors du vote de la loi sur les saisies immobilières il y a quelques semaines. Mais rien de plus. Les prochaines empoignades seront pour le système des retraites qui est actuellement au bord de la faillite. Et pour le système de santé public, en ruine. Le gouvernement grec cédera sans doute sur tout, espérant que le rétablissement de la "confiance" fera revenir l'argent dans les banques et  permettra d'en finir avec le contrôle des capitaux...Et que la négociation sur la dette soit enfin ouverte, et que le pays puisse profiter de la politique de rachat de dettes nationales engagé par la BCE. Le gouvernement Tsipras se conduit et se conduira comme un simple gouvernement social-démocrate, gestionnaire de l'austérité, je pense.

Mais on peut encore espérer de ces nouveaux venus dans le paysage hellénique l'engagement d'une vigoureuse politique de réforme de l'Etat et notamment du système fiscal.
Il reste très difficile de fonder une entreprise en Grèce, à cause d'une réglementation tatillonne servie par des fonctionnaires peu compétents et peu zélés, ce qui encourage le travail au noir, peu contrôlé. Quant au système fiscal, le Français naïf que j'étais a ouvert de gros yeux en apprenant, puis en constatant que les plus riches ne payaient que très peu d'impôts. Présentement sont lourdement taxés les seuls salariés et retraités, dont les revenus sont faciles à contrôler.
Dans le contexte actuel, où peu de choses peuvent être obtenues des créanciers, j'espère voir le gouvernement Tsipras se lancer dans la construction d'un Etat juste

mercredi 23 décembre 2015

La distillerie de Skalados

Une présentation matérielle de ma petite distillerie d'huiles essentielles à Tinos manquait dans ce blog. Je vais y remédier.
L'atelier se trouve dans le katoï (salle de ferme à demi-enterrée) de la maison de Skalados, là où autrefois on entreposait les jarres d'huile d'olive, les tonneaux de vin et les céréales. Ce lieu sombre est propice à la production des huiles essentielles qui sont pour la plupart photosensibles.
On y trouve 5 alambics de 5 à 40 litres qui sont mis en oeuvre dans le cadre de stages de distillation de plantes sauvages ou que j'utilise pour ma production personnelle, pour les amis et la famille. Ces alambics de cuivre étamé sont chauffés au gaz sur de simples réchauds.

stages huiles essentielles a Tinos

stages huiles essentielles a Tinos



La condensation est assurée par des réfrigérants à serpentin alimentés par un courant d'eau.
Pour la production de concrètes, j'utilise un extracteur de Soxhlet et un chauffe-ballon. Le solvant employé est du raki (eau-de-vie locale bio) dont je rectifie le degré d'alcool.




Les distillats sont extraits dans des ballons de laboratoire pourvus d'un long bec verseur. Ce bec permet l'écoulement de l'huile essentielle grossièrement séparée de son eau florale en raison de la différence de densité entre les 2 produits.

stages huiles essentielles a Tinos

stages huiles essentielles a Tinos



L'huile essentielle peut couler directement dans l'ampoule à décanter, où sera effectuée la séparation définitive d'avec l'hydrolat ou bien être récupérée dans un becher gradué, ce qui permet de connaître précisément les quantités produites.

8 ampoules à décanter, de 250 ml à 1,5 l permettent de stocker les produits en attendant la mise en flacons de verre ambré, qui est opérée avec la pipette jaugée.






stages huiles essentielles a Tinos

On trouve aussi le matériel classique d'un labo : balance, erlenmeyer, ballons classiques, etc...et beaucoup de chiffons, de tuyaux et même une clé anglaise !

stages huiles essentielles a Tinos


Pour en savoir sur les stages d'auto-production d'huiles essentielles à Tinos suivez ce lien


mardi 22 décembre 2015

Racket en Slovénie...

...ou la vengeance est un plat qui se mange froid ! A l'automne de 2013 de retour de Tinos avec mon vieux Scudo je passe pour la première fois la frontière croato-slovène au poste de police d'Obrezje, sur la route européenne E70. Contrôle de papiers, pas de problème et je m'engage sur l'autoroute. Arrêt au portique de péage. Bizarre, pas de ticket à prendre ! Prudent, je m'arrête puis commence à reculer. Et de l'autre côté du portique on me fait des signaux avec une lampe torche (c'est la nuit). J'avance, passe le portique fatal et m'arrête devant un mi-flic, mi-employé de la société d'autoroute qui m'annonce en allemand que je n'ai pas le droit de circuler sans vignette et que je suis passible d'une amende de 300 EUR, réduite à 150 si je paie sur le champ ! Je lui fais remarquer que rien au poste frontière ne signale l'obligation de la vignette et que c'est lui, le gabelou, qui m'a engagé à pénétrer sur l'autoroute. Rien à faire, il menace d'immobiliser mon véhicule et je paie 150 EUR. Pendant ce temps son acolyte arrête un couple de Grecs, aussi innocent que moi et leur sert la même soupe. C'est bien de parler grec : j'ai pu expliquer aux nouvelles victimes de l'arnaque slovène ce qui leur arrivait et j'ai déversé sur les deux faux-culs toutes les injures dont j'ai connaissance dans la langue d'Homère. Ca soulage un peu ! Et je suis reparti vers Trieste, léger d'argent et crachant de l'encre.

vignette autoroutiere slovene

Cet année 2015, nous empruntons le même chemin en famille. Mais à Obrezje, Sylvie achète une vignette pendant que la police contrôle les papiers de la voiture. Mais nous ne collons pas la vignette sur le pare-brise et l'on s'engage sur l'autoroute, direction Ljubljana. A la deuxième chicane, coup de sifflet, un flic qui demande les papiers du véhicule, puis prononce la phrase fatidique "Kontrola vinjeta". Naturellement, je fais celui qui ne comprend rien et ne parle ni allemand ni anglais, seulement français mais je sors de ma poche au bout de quelques minutes la vignette en règle ! Et j'ai sauvé ainsi le plumage de quelques dizaines d'automobilistes-pigeons que le gabelou s'apprêtait à arnaquer. Il me rend la vignette en disant "stick it on the glass", ce que je fais de bonne grâce.

Amis lecteurs rappelez-vous de cette histoire si vous devez passer par là. Surtout achetez cette damnée vignette et ne contribuez pas en payant une amende disproportionnée à l'entretien d'un Etat voyou, la Slovénie.








samedi 19 décembre 2015

Stage huiles essentielles à Tinos

Fin mai 2015, j'ai reçu trois stagiaires professionnels de santé dans la distillerie de Skalados. Et nous avons vécu un stage lumineux ! Partage de connaissances, perspectives de collaboration et bien sûr cueillette et distillation de plantes sauvages étaient au rendez-vous.
Je profite des photogaphies d'Aline et d'Anne pour proposer dans ce blog un reportage sur ce stage où l'on a distillé de la Sarriette des montagnes et de l'Hélichryse microphyllum.

stage huiles essentielles a Tinos

Cueillette d'Hélichryse en boutons avancés sur le mont Kechrovouni

stage huiles essentielles a Tinos


L'Hélichryse doit être distillée au début de sa floraison. Il faut choisir des boutons prêts à éclore ou de jeunes fleurs et récolter tôt le matin afin que le soleil ne dessèche pas la plante.

stage huiles essentielles a Tinos


De retour à  la distillerie on étale la récolte sur des sacs pour que les fleurs ne fermentent pas et perdent un peu de leur humidité. On distillera après le repas et la sieste !

stage huiles essentielles a Tinos

stage huiles essentielles a Tinos
stage huiles essentielles a Tinos
Après avoir introduit 3 l d'eau dans la chaudière de l'alambic, on tasse 5 kg de fleurs d'Hélichryse dans le cylindre de l'alambic et on lute le chapiteau sur le cylindre avec une pâte faite de farine et d'eau. Ainsi on ne perdra la précieuse vapeur chargée de molécules aromatiques.

stage huiles essentielles a Tinos

On raccorde l'alambic à son réfrigérant, on installe le ballon florentin, et on met sur le feu. Lorsque les premières gouttes de distillat se présentent il faut baisser la flamme pour extraire les molécules les plus légères, puis augmenter très graduellement la température et la pression pour obtenir les molécules plus lourdes. Au bout de deux heures environ la distillation par entraînement à la vapeur d'eau sera complète.

stage huiles essentielles a Tinos
L'huile essentielle - ici de l'huile de Sarriette - forme une couronne autour du ballon. La phase inférieure est l'hydrolat ou eau florale.

stage huiles essentielles a Tinos

stage huiles essentielles a Tinos

L'huile essentielle monte dans le col du ballon. Pour la recueillir on glisse une ampoule à décanter sous le bec du ballon. L'hydrolat qui possède aussi des propriétés intéressantes sera prélevé à part.











Voilà le résultat : une trentaine de millilitres

stage huiles essentielles a Tinos

Enfin il faut embouteiller le précieux liquide dans des flacons de verre ambré.



stage huiles essentielles a Tinos
Et ce jour là, la nature nous a fait une chouette surprise !







Merci à Aline, Anne et Christine de m'avoir autorisé à publier leurs photos.



Pour plus d'information sur les stages de distillation suivez ce lien

jeudi 17 décembre 2015

Grèce : le feuilleton de l'été

Premier article depuis le retour du blogueur en Gaule ! Naturellement il est consacré à la crise du printemps et de l'été 2015.
Rappelons nous de la situation au mois d'avril : en substance il s'agissait pour l'Eurogroupe de tordre le bras du premier ministre grec, issu de Syriza, pour qu'il aligne sa politique sur celle de son prédécesseur de Nouvelle Démocratie et inscrive dans la durée en Grèce l'austérité et ses corollaires, hausse des impôts, baisse des retraites et des salaires, instauration d'un Etat minimal. Le tout contre les 7 milliards restant à verser du deuxième plan d'aide et des promesses de réexamen de la dette.


Petit à petit le gouvernement grec s'est retrouvé dans les cordes, étranglé par les échéances de la dette du mois de juin. Il fallait alors soit renoncer à payer salaires des fonctionnaires et retraites, soit ne pas honorer la dette, notamment vis à vis du FMI, choix qui a été opéré. Le tout a été aggravé par la décision vraiment politique de la BCE qui s'est mise à limiter les crédits accordés au pays et a provoqué en retour des retraits massifs de liquidités par les déposants, mettant en danger l'existence des banques ! Le garrot était alors serré au maximum.
Les "lignes rouges" du gouvernement grec ont commencé à bouger le 24 juin : un rapprochement de ses positions avec celles de l'Eurogroupe s'est esquissé. Tsipras a proposé des hausses d'impôts pour les plus riches et l'augmentation de la TVA, passant à 23 %, une baisse des crédits militaires. Un accord a été envisagé, aussitôt torpillé par le FMI qui a adopté une position de classe : toucher aux riches serait une mesure qui favoriserait la récession, mieux vaut donc poursuivre l'étranglement des pauvres et réduire les dépenses ! Pendant ce temps, à Tinos, l'église orthodoxe servait des soupes populaires aux retraités !
Pas d'accord donc, ce qui a imposé le contrôle des capitaux et trois semaines de fermeture pour les banques aux abois. Le ministre Varoufakis a préparé alors l'édition d'une monnaie de nécessité, des reconnaissances de dette libellées en Euros, un cauchemar pour la Chancelière !
Alexis Tsipras a décidé d'en appeler au peuple. Les Grecs ont été invités à se prononcer sur la poursuite de l'austérité le 5 juillet. Austérité qu'ils ont repoussé à une large majorité (61 %), ce qui n'a pas empêché les créanciers de rester sourds à la voix populaire.


Restait à se soumettre ou à se démettre. Ioannis Varoufakis démissionnait le lendemain du référendum tandis qu'Alexis Tsipras, "coaché" par Hollande - qui a dû avoir bien peur pour la dette de la France - est allé à Canossa. Un accord était conclu le 13 juillet dans une ambiance exécrable. Une reddition sans conditions ! Privatisations, hausse des impôts indirects, réduction des retraites, le tout assorti d'un contrôle tatillon, contre le maintien dans l'Euro, la perspective d'un troisième plan d'aide et comme toujours de vagues promesses concernant la dette ! Retour de la Grèce à la case départ, comme si les élections de janvier et le référendum de juillet 2015 n'avaient pas existé. Comme si cette politique n'avait pas mené le pays à la catastrophe.
Syriza s'est scindé et Tsipras a dû accepter des soutiens à droite pour voter les premières mesures exigées par les créanciers. Cette ouverture à droite s'est trouvée confirmée par les résultats des élections anticipées du 20 septembre. Pour l'Eurogroupe la situation grecque est désormais sous contrôle.

Défaite de la gauche grecque qui chausse les bottes de ses adversaires, certes, mais aussi de l'Europe, qui a prouvé à la face du monde qu'elle se moquait du suffrage populaire, que sa solidarité ne pesait guère face aux marchés financiers, qui au reste ne se gêneront pas pour attaquer tout pays - même l'Italie, même la France, étonnamment aveugle ou complaisante - ayant des difficultés avec sa dette. Une Europe de la coercition.


J'ai rêvé d'Europe dans les années 90. Mon rêve a achevé de se briser dans la nuit du 12 au 13 juillet 2015 avec les vociférations du ministre allemand Schäuble.









vendredi 27 mars 2015

Le garrot européen

A quoi se résument depuis le 20 février les Eurogroupes, mini-sommets consacrés à la situation grecque et autres pantalonnades médiatiques ?
A un impératif politique absolu : faire plier le gouvernement Tsipras, rendre impossible la réalisation du programme sur la base duquel le peuple grec l'a porté au pouvoir en janvier de cette année. Donc nier sans l'exprimer le principe de la souveraineté du peuple.

Pourquoi ? Les Grecs ont été les premiers, et hélas encore les seuls, à refuser clairement les mesures de déflation interne imposées par la Troïka. S'ils se libéraient  réellement de ce carcan ils feraient école ailleurs en Europe, en Espagne et au Portugal notamment . D'où les cris d'orfraie identiques de MM. Rajoy et Coelho,  le premier de droite, le second  soi-disant socialiste, unis dans le chaste noeud du falsoculisme, avec la chancelière en seconde ligne ! Il faut que Tsipras échoue à tout prix ou presque.

Comment y parvenir ? La solution vient aussi d'Espagne : le vieux garrot du général Franco ! Garrotter financièrement la Grèce en ne lui versant pas l'argent qui lui a été promis c'est empêcher Tsipras de réussir et prouver aux peuples qui souffrent qu'il n'existe pas d'alternative à la domination de l'Europe par les conservateurs allemands.
Tsipras est coincé entre les exigences légitimes de son peuple et la nécessité de maintenir son pays dans l'Euro. Donc l'Eurogroupe exige des réformes pour libérer les fonds qu'il gèle, mais refuse la réforme fiscale profonde proposée par le gouvernement grec et jugée ridicule à Bruxelles. L'Eurogroupe exige de Tsipras qu'il chausse les bottes de son prédécesseur Samaras et prenne de nouvelles mesures d'austérité : hausse de la TVA et assouplissement des procédures de licenciement. Et puisque Tsipras fait la sourde oreille, on attend que le bourreau serre la vis du garrot. Le bourreau, c'est la dette qu'il faut rembourser.



A un instant d'expirer - de faire défaut sur une échéance, donc de sortir de l'Eurozone en déclenchant un crise ravageuse - on trouve 2 milliards et on laisse souffler le condamné.

Ca va durer longtemps ?


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