dimanche 11 janvier 2015

Aux racines de l'Etat grec, démocratie ou république ?


Parlant de la Grèce les Français disent volontiers que l'Etat n'y est pas suffisamment construit, que nombre d'institutions ne sont qu'une façade, que l'arbitraire des fonctionnaires est une plaie etc. Et il y a du vrai dans tout cela.
La Grèce moderne est née en 1830, second Etat des Balkans (après la Serbie) à arracher son indépendance à l'Empire ottoman, l'homme malade de l'Europe. Encore cette indépendance ne concernait-elle qu'un morceau de la Grèce contemporaine, soit le Péloponnèse, les Cyclades, l'Attique, la Beotie. Cette situation explique par exemple l'absence de cadastre : dans l'empire turc, la plupart des terres des Balkans appartenaient au sultan (terres miri) qui les attribuait sous forme timar (sorte de seigneurie non héréditaire) à ses janissaires et à ses spahis. De simples diplômes suffisaient. Le premier royaume hellénique, celui d'Otton de Bavière a plaqué une façade néo-classique sur une réalité balkanique : une monarchie parlementaire animée par une oligarchie grecque occidentalisée et représentant de plus les intérêts des puissances tutélaires, sans vrai contact avec la réalité populaire. Il y avait alors un parti russe, un parti anglais et même un parti français ! Pas vraiment de quoi construire un Etat moderne. Le premier qui s'y soit essayé, Ioannis Capodistrias, l'a payé de sa vie, abattu à Nauplie en 1831, peut être à l'initiative des Anglais qui voyaient en lui un agent du tsar...


Le Parlement hellénique à Athènes



Mais l'insuffisance de l'Etat néo-hellénique pourrait avoir des racines plus anciennes, antérieures à la prise en main de l'empire byzantin par les Turcs au XVe siècle. Il faut remonter à Rome et à l'Antiquité grecque.
Rome a construit un Etat (Res publica, chose publique), dont nous avons fait république. Cet Etat n'était pas démocratiquement géré, que ce soit à l'époque républicaine ou à l'époque impériale. Mais il produisait un droit normatif auquel l'empereur lui-même était tenu de se soumettre. De nombreux fonctionnaires étaient chargés de l'appliquer dans toute l'étendue du monde romain, de la Bretagne à l'Egypte.
Les Grecs ont construit, à Athènes et à Sparte des démocraties de citoyens égaux (mais dont femmes, métèques et esclaves étaient exclus). Démocratie est composé de deux mots : dimos, le dème, la tribu et par extension le peuple de la tribu, et kratia, le fait de tenir et par extension le pouvoir. Dans l'Athènes classique, le pouvoir suprême était exercé par le peuple des citoyens assemblés sur la colline de la Pnyx émettant des votes souverains dans presque tous les domaines. Cette souveraineté s'exerçait sur un territoire limité, l'Attique. Avec des nuances il en était de même à Sparte pour le Péloponnèse, à Thèbes pour la Béotie, etc.. Ces cités Etats étaient limitées à un petit territoire et elles cultivaient une certaine aversion envers les fonctions publiques, dont les titulaires étaient investis de mandats courts. Des démocraties de clocher, très vivantes, mais incapables de durer. Toutes les cités, fréquemment en guerre entre elles, furent soumises sans peine par Philippe de Macédoine, puis par Rome au IIe siècle.

Des démocraties pour glorieuse tradition mais pas d'unité, le progressif éloignement des valeurs romaines durant les derniers siècles de Byzance, l'organisation de tous les chrétiens des Balkans en nation religieuse (millet) par les Ottomans, un pays sous influence étrangère et dominé par la conquête de son unité au XIXe siècle, par les crises et les drames au XXe, font de la Grèce moderne une construction fragile, inachevée sous une façade brillante. Il faut maintenant construire un Etat juste en Grèce.

jeudi 8 janvier 2015

Il a neigé à Tinos


Il a beaucoup neigé à Tinos ces jours derniers ! Après un forte tempête (110 km/h) dans la nuit du nouvel an suivie d'un violent orage, la neige est tombée en abondance les dimanche 4 et lundi 5 janvier, transformant les paysages familiers de l'île en décor de Noël et donnant à la mer Egée des allures d'océan arctique.
Mon ami Jean-Luc actuellement dans le village de Potamia fait état d'une coupure d'électricité de 48 h, de 40 cm de neige lourde, capable de casser les branches des oliviers, de terrasses écroulées, d'un froid glacial apporté par un vent du nord qui souffle encore maintenant à 7 Beaufort (70 km/h).
Je pense aux amis paysans de Skalados, Marios, Iosif, Iorgos qui doivent s'épuiser à porter du fourrage à leurs bêtes disséminées dans la montagne !
Point positif, la reconstitution des réserves d'eau. Après deux années de pluies insuffisantes les nappes phréatiques vont se remplir et la fontane de Papadia couler à nouveau.
J'emprunte les photos qui suivent au diaporama Tinos snow mis en ligne par info@tinos.biz

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dimanche 4 janvier 2015

Angela maintenant !


On attendait les propos de la chancelière, les voilà publiés dans le Spiegel du samedi 3 janvier : si les Grecs donnent la majorité à Syriza, si Syriza remet en cause la politique de rigueur budgétaire l'Allemagne laissera la Grèce sortir de la zone euro. Nouvelle preuve de l'ingérance intolérable de Berlin dans le débat public hellénique.
Raisonnons un peu : la situation est peu différente de celle de 2012 du point de vue des pays de la zone euro. Si la Grèce doit quitter la monnaie unique, démontrant ainsi l'absence de solidarité financière en Europe, les marchés financiers vont sanctionner les pays les plus fragiles en leur imposant des taux d'intérêt plus élevés. Italie, Espagne (convalescente parait-il), Belgique, France vont avoir du mal à se financer et il va falloir imposer aux populations de ces pays de nouveaux sacrifices : baisse des prestations sociales et hausse des impôts avec pour conséquence des investissements et  une croissance en berne. Ca va faire mal ! Et cerise sur la gâteau une Grèce revenue à la drachme paiera sa dette dans une monnaie dévaluée ou ne paiera pas du tout.
Du point de vue des Grecs la situation est différente de celle de 2012 : la situation économique du peuple a empiré, le chômage explosé, la grande pauvreté s'est développée. Les "réformes"  de la Troïka mises en oeuvre par Antonis Samaras n'ont touché que les purs salariés et les retraités, l'injustice devant l'impôt est toujours là. Ils vont porter Syriza au pouvoir. Ils n'ont plus peur !

Comment en sortir ? Vraisemblablement la position allemande restera ce qu'elle est. Les pays du Sud, dont la France, endettés, voyant le danger feront-ils pression sur la chancelière ? Vu la tendance sociale libérale prise par les socialistes français et par les démocrates de Matteo Renzi en Italie je n'y crois pas vraiment.
Non, c'est la BCE qui tient la solution. Il lui faut racheter massivement la dette de la Grèce en surmontant l'opposition allemande et suivre l'exemple des banques centrales japonaise et américaine. Au nom de quoi nous interdirions-nous cette pratique qui réussit chez les autres ? Encore un effort M. Draghi.

mardi 30 décembre 2014

Les sirènes de Berlin et de Bruxelles


Les sirènes de Berlin et de Bruxelles vont chanter aux oreilles du peuple grec la chanson du votez bien, entonnée par Samaras, Moscovici, Schäuble, Juncker ! La chanson des menaces : sortie de l'Euro, peut-être de l'Europe si les législatives de janvier février 2015 portent Syriza au pouvoir. La chanson des promesses : réduction de la dette, inévitable, atténuation de l'austérité, relance... Mais que veulent donc les Grecs ? La fin de la misère populaire et du chômage d'abord, un système fiscal juste, pour que les riches paient leur part, le respect enfin des engagements européens. Il avait été promis au gouvernement Samaras une renégociation de la dette si l'objectif d'un excédent budgétaire était atteint. Il a été atteint, au prix d'une nouvelle augmentation des impôts et rien n'est venu ! Samaras s'est trouvé dans une situation intenable, entre son peuple et les créanciers. Il a précipité les échéances.
Que les Grecs votent librement. Je trouve les ingérences étrangères insupportables, digne d'une situation semi-coloniale. S'ils choisissent Syriza, j'applaudirai, surtout si les Portugais, Espagnols et Italiens renversent à leur tour la table et en finissent avec des politiques à courte vue qui ne fonctionnent qu'au profit de l'Allemagne et de ses satellites.
Attention, en Europe du sud, le terme Europe devient un gros mot, comme celui de réforme en France. Alors que l'Europe devrait nous faire tous rêver et nourrir nos enthousiasmes.
Un bémol toutefois : puisque je vis en Grèce et du tourisme, je redoute une nouvelle saison pourrie, semblable à celle de 2012.

parlement grec

dimanche 28 décembre 2014

Un site archéologique ou une illusion ?


Toujours les balades, jamais je ne me lasserai de marcher à Tinos ! L'île est si diverse.
Un jour de septembre 2014, je pars de Basara (route d'Aetofolia à Pyrgos, carrefour Agioi Anargyroi, s'arrêter devant la troisième chapelle, sentier muletier à gauche de la chapelle) en direction du sommet de Tourli, bien décidé à rejoindre la mer. Cette zone est très sauvage, abandonnée depuis longtemps à cause de sa rudesse et de la pauvreté de ses sols. Au sommet de Tourli on trouve une église ruinée, fait rarissime à Tinos. Face à cette église, en direction de la mer, on aperçoit une ancienne exploitation de pierre à talc. De là on monte jusqu'à un col, entre 2 mamelons pierreux qui dominent la baie déserte de Madrisias. Au loin dominant la mer, un "axachas", amas de rochers de calcite dévorés par le soleil.


Je prends à gauche en direction du mamelon le plus élevé et là, à mon grand étonnement,  je trouve des centaines de tessons de poterie, anses, goulots, débris de corps de vases. Un four de potier ici ? Curieux, la montagne est toute nue, pas un arbre, et la mer bien loin pour recevoir du combustible. Et puis pas d'argile. Je cherche le four sans succès. Et je rencontre les restes d'un mur cyclopéen ! Certes, ce n'est pas Mycènes mais tout de même je pense à une enceinte archaïque appareillée en très gros blocs, un peu comme à Exombourgo.



Plus haut le mamelon prend des allures de forteresse : d'ici on domine tout l'est de l'Egée. Je continue jusqu'au cap Madrisias : impressionnantes falaises qui surplombent une mer d'encre. Milieu minéral. Beaucoup de fleurs de crocus à safran, comme en Macédoine !


Le soir tombe, je dois rentrer. En octobre toute la famille retourne à Madrisias. Et nous hésitons entre un site archéologique ignoré ou une pure illusion.

vendredi 12 décembre 2014

Situation politique en Grèce

Voici le texte d'une dépêche AFP du 9 décembre 2014 reprise par Le Petit Journal d'Athènes, la newsletter des expatriés français en Grèce :

"La Grèce est entrée mardi dans une période d’incertitude politique marquée par un plongeon inédit de la Bourse, après l'annonce d'une présidentielle anticipée pouvant, en cas d'échec du candidat officiel, entraîner des législatives et l’arrivée au pouvoir du parti anti-austérité Syriza.

Ce scénario, et la crainte d'un détricotage des réformes en cas d'arrivée au pouvoir de Syriza, a fait céder 12,78% mardi à la Bourse d'Athènes, une chute inédite en 27 ans sur une seule séance.Lundi soir, le gouvernement grec a annoncé sans crier gare qu'il accélérait le calendrier de la présidentielle qui doit désigner le successeur de Carolos Papoulias, 85 ans, avec un premier tour avancé de deux mois, au 17 décembre.Mardi, au cours d'une brève allocution, le Premier ministre conservateurs Antonis Samaras a annoncé que le candidat proposé par le gouvernement était Stavros Dimas, 73 ans, membre de son parti Nouvelle Démocratie (droite), ancien commissaire européen à l'Emploi puis à l'Environnement dans les années 2000 et bref ministre des Affaires étrangères de novembre 2011 à mai 2012.En Grèce, en effet, ce sont les députés qui votent sur le nom du candidat proposé traditionnellement par le parti au pouvoir. Le scrutin peut compter jusqu'à trois tours, prévus les 17, 23 et 29 décembre.Aux deux premiers tours, le candidat doit réunir deux tiers des 300 députés pour être élu. Au troisième tour, la majorité requise tombe à trois cinquièmes. Mais cette majorité de 180 députés est encore très élevée pour un gouvernement de coalition droite-socialistes qui, dimanche encore, sur le vote du budget, n'a rassemblé que 155 voix.Le caractère consensuel de Stavros Dimas, qui, selon le chef du gouvernement, rassemble "au-delà des préférences partisanes" et "inspire le sérieux, la confiance et le respect", pourrait ne pas suffire à réunir 180 voix.Les analystes de la banque Citi jugent déjà "très improbable que le gouvernement actuel parvienne à réunir ce niveau de soutien".Si la désignation par le Parlement échoue, il faudra aller aux législatives anticipées durant l'hiver.Or le gouvernement de coalition d'Antonis Samaras, qui a mis en place depuis 2012, sous l'égide de la troïka (BCE, UE et FMI), toutes les réformes souhaitées par ces créanciers en échange de 240 milliards d'euros de prêts, est détesté par une partie du pays, et le parti de la Gauche radicale anti-austérité Syriza est en tête des sondages. Syriza a adouci son discours ces dernières semaines, avec notamment une visite de plusieurs responsables aux banquiers de la City de Londres, mais les marchés sont inquiets d'un possible abandon des réformes économiques.Mardi, le parti s'est félicité d'une décision qui était "une nécessité, pas un choix", et a prédit que le processus aboutirait à la mise en place sous sa direction "d'un gouvernement de salut national en 2015"."Le risque d'un retour de bâton politique et d'un renversement des réformes est très réel", ont estimé dans une note les analystes de la banque Berenberg.La convocation surprise de la présidentielle, un coup de poker pour M. Samaras, arrive juste au moment où le pays a négocié avec le reste de la zone euro une extension de deux mois de son plan de soutien, qui devait s'achever fin décembre.Cette date-butoir était impossible à tenir, la troïka n'ayant déjà pas approuvé le budget. Pour l'instant, le versement de la dernière tranche de 1,8 milliard d'euros promise par l'UE au pays est suspendu.Certains commentateurs se demandaient mardi si ce ne sont pas les créanciers eux-mêmes qui ont poussé le gouvernement Samaras à sa décision, pour lever l'hypothèque d'un possible changement de gouvernement.Le journal des Rédacteurs (gauche) titrait ainsi mardi sur "Les urnes de Bruxelles", assurant que le vote anticipé avait été annoncé "sur ordre de la troïka".La réaction des marchés et le plongeon de la Bourse d'Athènes pourraient, paradoxalement, ne pas déplaire à Antonis Samaras qui avait déjà utilisé en octobre d'un hoquet du marché pour accuser Syriza de risquer la "déstabilisation" du pays."

Que penser de cette partie de poker menteur ? Il est bien possible que la troïka ne veuille plus d'un gouvernement Samaras usé jusqu'à la corde. Possible aussi qu'Alexis Tsipras soit "allé à la soupe". Le tout dans la nécessité de renverser la spirale déflationniste. Vos avis sont précieux !

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