mercredi 1 février 2017

Moulins à eau de Tinos

Des moulins à eau dans les Cyclades ? Impossible, trop sec ! Pourtant j'en connais deux à Tinos, dans le village d'Agapi, un dans celui de Perastra, un près de Lychnaftia et je vous invite à découvrir les vestiges d'un moulin récemment découvert qui se trouve sur le ruisseau de Falatados, entre le village et le lieu-dit Manganari.
Expatrié en Grèce
Bien sûr il n'y a pas à Tinos de rivière motrice digne de ce nom et l'ingéniosité paysanne a dû inventer une forme particulière de moulin dont les caractéristiques principales sont :
- un vaste bassin de rétention des eaux;
- une grande hauteur de chute, qui permet à l'eau d'agir par sa vitesse acquise et par son poids;
- une roue à axe vertical et à augets -comme souvent en Méditerranée- qui reçoivent directement le choc de l'eau venant du conduit de chute. Une ancêtre de la roue Pelton !

Le bassin de rétention
A Falatados le bassin de rétention est une enceinte maçonnée, autrefois crépie (il reste des traces d'enduit) pour l'étanchéité. Le sol du bassin est couvert d'argile imperméable. Cette enceinte est liée à un ruisseau minuscule, intermittent, affluent de celui du fond de la vallée. Evidemment, le bassin se remplissait en hiver et au printemps et son eau était conservée jusqu'à la moisson. Juste au dessus du conduit de chute, on trouve la vanne de pierre.


Le conduit, que l'on peut assimiler à une moderne conduite forcée, est en pierre et soigneusement enduit. Cet enduit est bien conservé.


A proximité des augets de la roue, le conduit se resserre. Malheureusement la roue n'existe plus. Sans doute était-elle construite en bois, avec le minimum de parties métalliques.
Mais son axe est encore là.
Au dessus de la chambre de la roue, les meules à farine en pierre volcanique (Santorin, Milos ?) sont toujours en place.

La chambre des meules


Le tout est complété par un déversoir : les eaux rejoignaient ainsi leur exutoire, le ruisseau de Falatados.

Fabuleuse Tinos si riche de son patrimoine paysan ! Tout près de là, une fontaine ruinée et son indestructible colonne...


lundi 23 janvier 2017

Retour balkanique

Les pays balkaniques nous fascinent; ils sont géographiquement proches de nous et éloignés de nos standards ! Depuis la Grèce, on ressent un vrai dépaysement une fois passée la frontière macédonienne à Guevgelija. Un autre milieu : population slave et albanaise, alphabet cyrillique, influence ottomane persistante, un pays de monastères orthodoxes, de panneaux indéchiffrables, de paysans en tracteur. On adore !

Expatrié en Grèce
En octobre 2016 Sylvie et moi sommes rentrés de Tinos en France par la Macédoine, la Serbie du sud et le Monténégro, à la recherche de Byzance !

Véhicule courant en Macédoine, région de Stip

D'abord le site antique et paléochrétien de Stobi, dans la vallée du Vardar, sur la voie romaine qui unissait Naissus (Nis) à Thessalonique. Mosaïques superbes, notamment celle du baptistère. Nous sommes dans les traces de Constantin le Grand !



Nuit à l'hôtel à Kumanovo et visite du monastère saint Gabriel de Lesnovo, fondation des premiers rois serbes. Monastère fortifié, un rempart protège l'église et les bâtiments monastiques. Fresques byzantines du 14e, dont l'une représente le tsar Dusan, montagnes sauvages, maisons traditionnelles slaves.







Il y a beaucoup à découvrir en Macédoine : voici un excellent guide-fil : https://visiter-macedoine.fr/

Nous passons en Serbie pour visiter le monastère de Miliseva au sud-ouest du pays, près du Monténégro. Nuit à Nova Varos.


 Miliseva est célèbre pour la fresque de l'ange du sourire qui accueille les saintes femmes venues faire la toilette mortuaire du Christ. Lui sait qu'il est ressuscité ! L'église renferme la châsse de saint Sava, le premier patriarche de Serbie.


Nous passons au Monténégro. Sur la route de Podgoriça voici le petit monastère de Moraça.


Traversée du haut plateau calcaire (des sauges partout !); un spectacle magnifique nous attend : les Bouches de Cattaro sont à nos pieds. Ici l'Adriatique a pénétré dans les profondes vallées montagnardes en créant un fjord méditerranéen. Cattaro est la meilleure rade des Balkans.

Le fjord de Cattaro




Nous ne quitterons plus désormais la côte adriatique où l'influence de Venise est très sensible, comme dans la ville de Kotor ou dans celle de Perast. Nuit à Herceg-Novi et route en direction de Dubrovnik, eu sud de la Croatie.



Perast

Dubrovnik est le nom slave de l'ancienne Raguse,
république maritime rivale de Venise et vassale des sultans ottomans. La ville ancienne est intacte, mais on y retrouve le tourisme de masse et les insupportables amateurs de la perche à selfie...


Au reste comme à Split où le palais de Dioclétien semble être sous occupation asiatique !

Palais de Dioclétien













Une nuit dans la belle ville de Trogir, Venise, Venise !!!


Mais la France et l'hiver nous attendent...Une nuit de rêve à l'agriturismo Corte di Trembaccia, près de Padoue. La vie de château, éphémère !












Puis le vieux Scudo fidèle pour la route restante !



vendredi 20 janvier 2017

Tavernes de Tinos


Tinos est une île des Cyclades en Grèce où l’on mange admirablement bien !

Expatrié en Grèce

Rien à voir avec les fast-food qui fleurissent à Mykonos ou Santorin où règne désormais le grand tourisme mondialisé. Tinos est une île paysanne authentique qui sait dans sa gastronomie allier les produits de la terre et ceux de la mer.

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Taverne Rokos à Volax

La viande, notamment celle de porc est un délice dans cette île  où les cochons sont traditionnellement nourris avec des figues sèches ! Et que dire de la chèvre au four ou de l’agneau au citron!
Autre atout de la cuisine tiniote, les artichauts primeurs, Ces petits artichauts méditerranéens sont cultivés dans la plaine de Komi par de savants jardiniers, On ne mange que leur fond, cru et mariné dans le citron, puis conservé dans l’huile, Succulent! Et puis la salade de câpres, mélange de câpres en saumure, de pain, d’oignons et d’huile d’olive, le tout mixé vaut le détour. En saison on dégustera des aubergines imam, des beignets aux tomates sèches, des «lachanodolmades», feuilles de chou farcies de riz et de porc haché servies avec la fameuse sauce à l’œuf et au citron.
Ne pas hésiter à goûter les beignets de morue (bacaliaro), la salade de poulpe, le calamar au barbecue et la bouillabaisse (kakavia) dans les tavernes du bord de mer.
Pour les fromages, oubliez la féta originaire de Grèce du nord et découvrez les produits locaux comme le «kopanisti» fromage très fort qu l’on consomme avec du yaourt épais ou les «balakia» de lait de brebis qui ressemblent aux fromages d’Italie. Pas étonnant : l'île est restée jusqu'en 1715 une possession vénitienne.
Arrosez le tout de bière locale, la «Nisos», de vin paysan tiré du tonneau - c'est surprenant parfois - ou de vin blanc sec de Falatados, légèrement muscat et finissez par un «raki», le marc local. Souvent le patron vous l'offrira avec le traditionnel "glyko" de raisins ou de prunes.
Deux excellents vins : le T'oinos, sélectionné par Ducasse, mazette, et le Volacus, plus abordable. Le Vaptistis, produit à Steni est aussi très bon. Ces vins sont produits dans la région granitique de Volax - Falatados.
Je vous recommande quelques adresses
A Volax, Rokos, taverne paysanne aux portions aussi énormes que délicieuses,
A Aetofolia, Sta phys’Aera où Nikos et Frankiska enrichissent les produits locaux des idées d’un grand chef,
A Smardakito, le Katoï, où tous les plats sont préparés au four de boulanger dans des terrines,
A Krokos Kyria Léni, les meilleures feuilles de vigne de l’île,
A Chora, Malamaténia pour sa salade de poulpe aux câpres,
A Panormos le Limanaki, calamars frais au barbecue, tendres et goûteux,
Enfin à Isternia le Thalassiki, une des meilleures tavernes de poisson des Cyclades. 
Et j'en oublie beaucoup !

jeudi 19 janvier 2017

Pour un écomusée à Tinos

Promouvoir dans l'île un tourisme durable, éviter la "myconiotisation" de Tinos, favoriser la découverte intelligente de son patrimoine naturel et culturel, tels pourraient être les buts d'un écomusée à Tinos.


Expatrié en Grèce
A l'initiative du Père Joyeux, des Jésuites de Grèce et d'un groupe d'amis franco-grec, j'ai repris ma casquette de conservateur. Voici le texte d'intention, rédigé en novembre 2016. N'hésitez-pas à réagir et à enrichir la réflexion engagée !




POUR UN ECOMUSEE DANS L'ÎLE DE TINOS


Tinos est une île miraculeusement préservée de l'archipel des Cyclades d'où se dégage une force extraordinaire. Elle fait présentement l'objet d'une communication insistante dans les médias d'Europe du nord, ce qui constitue à la fois un atout et un danger :
– un atout parce que de nombreux visiteurs étrangers enrichiront globalement l'île et susciteront des échanges de tous ordres ;
– un danger parce que l'actuelle préservation des patrimoines naturel et culturel de Tinos ne résistera pas au tourisme de masse. Tinos dans ce cas évoluera vers le modèle touristique purement marchand et mondialisé qui domine à Myconos, Santorin et Paros.
Conserver l'atout et écarter le danger, telle est la question. Elle peut être résolue positivement par l'adoption raisonnée d'un modèle original, le tourisme durable. Cela suppose une approche respectueuse des hommes, de l'environnement au sens large, une grande ouverture d'esprit et beaucoup de modestie. Je pense pour ma part que la découverte du patrimoine tiniote grâce à un réseau de sentiers pédestres organisés dans le cadre d'un écomusée peut partiellement résoudre l'équation en attirant des touristes avides d'échanges de qualité avec une population et un territoire et non pas seulement de soleil et de plages aménagées. On dit en français courant que l'on « fait » les îles grecques. Quelle erreur, quel toupet ! On ne fait pas Tinos, on la mérite.

 Le concept d'écomusée

Georges- Henri Rivière 1897 – 1985 anthropologue et muséologue, fondateur en 1937 du musée national des arts et traditions populaires dont il assure la direction jusqu'en 1967. Rénovateur de la pensée muséologique grâce concept d'écomusée qui se développe en France et dans le monde à compter des années 1970, porté par l'organisation internationale des musées, l'ICOM.
Une tentative d'explication globale d'un territoire 

L'écomusée envisage l'explication globale d'un territoire en favorisant la découverte et la compréhension de l'environnement naturel, de biotopes humains et de pratiques culturelles propres à ce territoire ; il faut noter qu'une île est le territoire idéal de l'écomusée. Les fondements de l'écomusée :
 – Un lieu central qui rassemble et délivre une information de bonne qualité scientifique sur le territoire, ses patrimoines naturel et culturel et invite à la découverte ;
– La découverte in situ du patrimoine naturel et culturel ;
– Une gestion démocratique partagée entre élus, porteurs de projet et population.

Tinos aujourd'hui, brève tentative d'état des lieux

Tinos, entre immobilisme et séduction du modèle myconiote
– Le pèlerinage de la Panagia Evangélistria, est source de richesse mais aussi d'immobilisme : la dévotion à la Vierge de Tinos amène dans l'île des pèlerins venus de toute la Grèce et génère un chiffre d'affaire de 8 M. d'EUR par an ! Pour les Tiniotes c'est une rente de situation. Et une bonne raison de ne pas bouger.
– La proximité de Myconos, île mondialisée et bétonnée dont le modèle économique est basé sur le fun, le tourisme de masse et la communication par les peoples séduit plus d'un Tiniote attiré par l'argent facile ! L'application du modèle myconiote est à redouter : il détruirait Tinos et modifierait jusqu'à la sociabilité des habitants (à Myconos on parle anglais, à Tinos on parle grec et souvent tiniaka, le dialecte local, à Myconos on paie, à Tinos on sourit). Attention, une société chinoise a acquis récemment la plage de Kalivia, près de Kardiani...

Un désir d'autre chose ? Voici quelques éléments de réflexion
Un patrimoine naturel et culturel de première importance :
– patrimoine géologique ;
– patrimoine botanique et faune ;
– patrimoine culturel et spirituel abondant et lisible : la modernité (routes carrossables, électricité, téléphone, etc.) n'atteint les villages que dans les années 1970, laissant au bord des sentiers un patrimoine considérable, vrai témoin de l'ancienne économie paysanne. Voir le blog ensoleillé de Tinos : http://leblog.maisondeloutra.fr/2013/11/vestiges-de-la-vietraditionnelle.html

Une histoire riche et révélatrice dont les points forts sont :
– les civilisations de la Grèce antique, de l'époque archaïque à l'époque hellénistique ;
– l'époque vénitienne ;
– le néo-hellénisme, autour du sanctuaire de la Panagia, où se mêlent les symboles de la piété orthodoxe et du jeune Etat grec ;

Une volonté de valorisation portée par une partie significative de la population :
– des initiatives privées de conservation du patrimoine : restaurations de pigeonniers (Marouli Tarampados), constitution de collections d'objets de la vie rurale traditionnelle par des particuliers ;
– des initiatives associatives : certaines associations de village (syllogoi) collectent des objets et organisent leur valorisation, comme à Volax, Kardiani ou Aetofolia autour de la poterie traditionnelle
– des initiatives institutionnelles, telle les excellentes collections formées par les Jésuites à Loutra ou par l'évêché catholique à Xinara ;
– enfin des initiatives publiques : le tout récent musée du marbre de Pyrgos, les collections d'art populaire d'Agia Triada à Girla ou le musée archéologique de Chora dont les collections rendent compte des fouilles de Vryokastro, d'Exombourgo et du sanctuaire de Poséidon à Kionia .

Une volonté de connaissance portée par des érudits autour de la revue Tiniaka Analekta : le P . Markos Foskolos, historien, Alekos Florakis, anthropologue, Charis Koutelakis, archéologue et enseignant à l'Université du Pirée.

Un lieu magique qui concentre l'histoire de l'île et fonctionne comme un aimant pour les insulaires et pour les visiteurs étrangers, le nid d'aigle d'Exombourgo qui porte les vestiges de l'ancienne capitale, de la citadelle vénitienne et le sanctuaire jésuite du Sacré-Coeur. De là on domine la mer Egée et tous les villages de Tinos, à l'exception de la région de Pyrgos. Capitale vénitienne de l'île, forteresse latine Exombourgo protégeait Tinos, permettait l'accès au port de San Niccolo (Chora) et à tous les villages. Une puissance tutélaire ! Voir le blog ensoleilléde Tinos : http://leblog.maisondeloutra.fr/2015/03/exombourgo.html

Un écomusée à Tinos

Il pourrait s'appuyer sur trois piliers conceptuels et matériels - centre d'interprétation, sentiers entretenus et informés, renvoi sur les institutions et/ou ressources conservant des collections ou des pratiques (vannerie, poterie, etc.) - et sur une structure démocratique de gestion. Et bien sûr sur un solide site Internet avec version mobile et référencement soigné.
Le centre d'interprétation Situé à Exombourgo, 
il pourrait contenir une analyse historique de l'île abondamment illustrée et une information sur le lieu lui-même : citadelle, ville, faubourg (sobborgo en italien, qui a donné Exombourgo en grec) invitant à sa découverte. La forme matérielle du centre d'interprétation est à inventer. Il doit communiquer et informer, être en consonance avec le lieu. Je l'imagine dehors, en position d'accueil. Une salle d'expositions temporaires aménagée à peu de frais dans les bâtiments existants permettrait de mettre en valeur tel ou tel point du patrimoine de Tinos : pigeonniers, ex-voto, chapelles, fresques...et de développer des ateliers pédagogiques créatifs.
Le réseau des sentiers 
C'est le pilier principal. Les routes asphaltées de l'île sont récentes. Avant les années 1950 – 1970 les échanges entre ville et villages, entre villages et parcelles cultivées étaient effectués à pied ou à dos d'âne grâce à des sentiers souvent dallés ou taillés dans le roc, clos de murs de pierres sèches afin d'empêcher les divagations des vaches, des chèvres et des moutons. Ces sentiers existent toujours et certains sont portés sur la carte Anavasi (équivalent grec de nos IGN 1/25000). Mais la plupart, du fait de l'exode rural et de la raréfaction des déplacements utilisant des animaux de bât, sont envahis par la végétation agressive qui les obstrue et rend la marche lente et difficile. Malgré cela les sentiers de Tinos offrent au promeneur leur diversité, leur beauté, leurs escaliers doux au pas, leurs dalles énormes posées là depuis des siècles par le labeur paysan. Marcher à Tinos est un plaisir en soi, plaisir physique auquel on peut relier la jubilation d'apprendre ! Les sentiers livrent l'accès à l'essentiel du patrimoine paysan de Tinos, aux terroirs, aux bâtiments de l'ancienne polyculture nourricière, aux églises rustiques : cultures en terrasse, olivettes, vignobles et jardins, plantations de mûriers, étables et bergeries, moulins à eau et surtout à vent, fontaines, réseaux d'irrigation, pigeonniers, aires à battre le blé, maisons temporaires utilisées par les paysans lors des gros travaux (katikiès), chapelles orthodoxes ou catholiques construites pour remercier Dieu de ses bienfaits. Ils relient entre eux les villages, tous différents et dont les édifices remarquables pourraient être commentés : maisons seigneuriales, églises, beaux tympans de marbre sur les maisons traditionnelles, fontaines publiques, etc. Ils donnent aussi accès aux richesse naturelles, filons de marbre, roches métamorphiques, rochers de granit érodés en boule, plantes aromatiques, chênes courbés par le vent, blés sauvages, myrtes et platanes orientaux. Et avec un peu de chance on lèvera un lièvre, des perdrix, des huppes fasciées ou l'on surprendra une chouette endormie, le tout sous le regard narquois des chèvres ! Découvrir Tinos par les sentiers suppose 3 opérations :
– leur dégagement et leur entretien, sans négliger le remontage des murs de pierre sèche éboulés ; cela suppose, après un première remise en état un travail de contrôle et de réparation continu ;
– leur balisage ou le complément de leur balisage et l'édition de cartes et d'itinéraires de type GR ou PR français et l'entretien de ce balisage ;
– l'information écrite et iconographique des points remarquables invitant à la découverte et à la compréhension de la nature et de l'agriculture des Cyclades, sans négliger l'approche anthropologique. Cette information, écrite en grec, français et anglais, pouvant être complétée par la lecture de QR codes, doit être portée par des supports à la fois solides, discrets et en consonance avec le milieu ; il n'est pas question d'imposer un commentaire, une vision magistrale prononcée ex cathedra mais de donner des clés de compréhension au visiteur afin qu'il devienne un acteur de sa visite. Je renvoie ici aux deux itinéraires que Sylvie et moi avons parcouru fin octobre 2016, l'ancienne voie vénitienne allant d'Exombourgo au port de San Niccolo (Chora actuelle) et le sentier Falatados – Manganari – Falatados. Le réseau des sentiers doit être matérialisé à Exombourgo par une structure porteuse des descriptions sommaires de ces itinéraires de découverte et d'indications pratiques, parking, niveau de difficulté, possibilités de restauration, points d'eau situés sur le sentier... Le nombre d'itinéraires possibles étant très important, il faut imaginer une montée en puissance faisant suite à l'information des 10 sentiers balisés existants et mentionnés par la carte Anavasi. Là aussi j'imagine cette structure en position d'accueil.
Le renvoi vers les partenaires 
C'est le troisième pilier. Située elle aussi à Exombourgo, cette structure comparable aux deux premières devra donner une description sommaire de chaque collection, édifice ou pratique géré par un partenaire et des informations opérationnelles, horaires, téléphone, langue parlée, etc., le tout dans un souci de coopération et de valorisation mutuelles. Le lien avec le réseau des sentiers sera naturellement opéré : qui visitera les sites archéologiques d'Exombourgo se verra proposer un prolongement/approfondissement de sa visite in situ par un renvoi vers le musée archéologique de Chora ; le sentier Falatados – Manganari – Falatados permet la découverte d'un moulin à eau, l'information de ce moulin renverra vers des biotopes similaires conservés à Agapi ou à Perastra. ; les pigeonniers que l'on rencontre sur de nombreux itinéraires (Tinos en renferme un millier) renverront vers les vallées de pigeonniers valorisés et signalés de Tarampados ou d'Agapi.
Une gestion démocratique
Une toute petite équipe peut gérer une telle structure. Elle doit être encadrée par une association fonctionnant démocratiquement réunissant les responsables politiques (maire de Tinos et conseillers d'Exombourgo), un représentant du ministère grec de la culture, les partenaires conservant et valorisant édifices et/ou collections, les Jésuites propriétaires du sanctuaire d'Exombourgo. Ce conseil détermine la ligne culturelle de l'institution : expositions à envisager, sentiers à informer, partenariats à engager, communication. Il est habilité comme personne morale à solliciter des financements publics et privés. Cette association s'appuie sur un conseil scientifique consultatif composé d'érudits, d'universitaires et de professionnels du patrimoine.

Les enjeux 

Comme il est écrit en préambule, Tinos est à la croisée des chemins. Pour se développer harmonieusement l'île peut adopter un modèle différent de celui de Myconos. Nos voisins de Siphnos et d'Andros toute proche ont parié sur le développement du tourisme pédestre. Sans dénaturer leur environnement, sans perdre leur âme pour une poignée d'Euros... Allons plus loin sur le sentier qui monte ! 

samedi 30 avril 2016

Chasser Tsipras du pouvoir

Retour du Grexit dans la presse internationale sur fond de brouille entre le FMI et les bailleurs d'Europe (CE, BCE et MES). Le premier souhaite une diminution nominale de la dette et doute de voir le budget grec en excedent de 3,5% du PIB en 2017, les seconds ne veulent pas entendre parler de coupes dans la dette. Le mot doit rester l'apanage des vieux Grecs, qui le subissent dans leurs retraites que le FMI veut voir passer de 384 a 350 EUR...
Une bonne occasion de faire la paix entre requins est de s'arranger sur le dos du petit poisson; on demande donc au gouvernement grec de voter des coupes conditionnelles dans les budgets sociaux. Si les fameux 3,5% restaient hors d'atteinte, ces textes seraient mis en application. Et en attendant pas un centime pour la Grece qui doit payer de lourdes sommes en juillet prochain. Le garrot, on a vu !
Mais Tsipras renacle : il n'y a rien qui impose cela dans l'accord du 13 juillet 2015, mais la nouvelle toika ne recule pas devant l'abus de pouvoir, vae victis, et la constitution grecque ne connaitrait pas de lois reposant sur des "si" !
Pourquoi tout cela ? Tout simplement un faux nez pour chasser Tsipras du pouvoir. S'il accepte, il en fait autant que la droite, s'il refuse, il relance la crise. Et au parlement grec il ne dispose que de 3 voix de  plus que l'opposition conduite par le dernier de la dynastie Mitsotakis, un homme de confiance, lui !
Suivons attentivement l'affaire tandis que se profile un nouveau scrutin en Espagne

mardi 8 mars 2016

Capitulation morale

Les termes du projet d'accord entre l'UE et la Turquie envisagé le 7 mars sont les suivants si j'ai bien compris :
- la Turquie reprendrait tous les migrants entrés illégalement en Grèce via son territoire, qu'il puissent prétendre au statut de réfugié (Syriens et Irakiens, issus de pays en guerre) ou non (les migrants économiques, Pakistanais par exemple);
- elle renverrait vers l'UE les réfugiés ayant fait la demande de ce statut officiel, régi par la convention de Genève, sur son sol dans la proportion de 1 pour 1 (1 Syrien renvoyé de Grèce par exemple contre un Syrien venu d'un des camps établis en Turquie);
- l'UE se voit demander 3 milliards d'EUR supplémentaires, une concession sur les visas de court séjour au bénéfice des citoyens turcs et la reprise des pourparlers sur l'adhésion de la Turquie à l'UE.

Un pauvre en Turquie coûte moins cher qu'en Grèce, dont la monnaie est l'Euro, le marché sera vraisembablement  accepté.

Ce projet est une véritable capitulation morale : l'UE rejette sur un pays qui joue sa partition dans la guerre de Syrie la responsabilité de la gestion de dizaines de milliers d'êtres humains désemparés. L'UE donne sa confiance à un Etat autoritaire qui piétine la liberté de la presse, brutalise sa population kurde, et entretient des relations troubles avec le groupe Etat islamique. L'UE lui accorde néanmoins la qualification de pays sûr !
L'UE entérine pratiquement la fermeture des frontières balkaniques, piégeant des milliers de gens dans la boue d'Idoméni.

Pourquoi ? Avant tout pour protéger l'Europe du nord-ouest et assurer le pouvoir de ses dirigeants, Merkel, de Rutte, Juncker et consorts, mis à mal par les réactions de rejet des réfugiés/migrants qui se manifestent en Allemagne et en Europe centrale, son hinterland. Donc les droits de l'homme, on s'en fout dans la plus grande démocratie de la planète. On passe la patate chaude à Erdogan. Qu'il s'occupe de tous ces pauvres puisqu'on va le payer pour ça ! Qu'il vide la Grèce. Et qu'on en entende plus parler. Ce sera sous contrôle, et d'une main de fer.
Et puis, dans la mesure où l'Europe est depuis les négociations avec la Grande-Bretagne une Europe à la carte, sans principes ni idéal communs, et qu'elle compte des Orban et des Kaczynski, on peut bien accepter Erdogan dans le club !

vendredi 26 février 2016

l'Europe de la honte

Ce que l'on diagnostiquait il y a quelques semaines, à savoir le blocage des réfugiés/migrants venus de Turquie en Grèce est en train de se réaliser sous nos yeux : bouclage de la Macédoine, entraînant celui de la Serbie, de la Croatie et fermeture de la frontière autrichienne. Vienne prétend ainsi envoyer un "signal fort" aux migrants, de nature "à en réduire le flux".
Donc à les enfermer en Grèce sans le dire évidemment.
Les instances européennes sont déboussolées, la France absente.

Mais qu'attendent des Grecs les Européens du nord bourgeoisement installés dans leur égoïsme ? Qu'ils coulent les embarcations de fortune ? Qu'ils organisent des camps dans le Dodécanèse et en Macédoine ?
On attend qu'ils se débrouillent, qu'ils gardent leurs pauvres parmi les pauvres (on refuse parallèlement au gouvernement Tsipras l'institution d'une retraite plancher de ...384 EUR, moins que le RSA français). Et on ne fait rien pour aider le malheureux pays, attendant tout d'une Turquie dont les intérêts ne sont pas clairs, en Syrie comme dans les Balkans.
On pressent une crise humanitaire. Mais il faudrait agir pour la juguler et cesser de s'enfermer comme de tergiverser.

On est en droit de redouter un rebond de la crise économique en Grèce. Comme l'indique le gouverneur de la banque nationale, Ioannis Stournaras, la crise migratoire et la débâcle de la cohésion européenne inquiètent les investisseurs. Le tourisme, seconde activité de la Grèce, pourrait se trouver lourdement pénalisé.

L'Autriche et ses séides, c'est l'Europe de la honte.

mardi 9 février 2016

L'Hélichryse de Tinos

Au mois de juin toute l'île se couvre de bouquets d'Hélichryse, au point d'embaumer ! Cette petite Astéracée  est très facile à cueillir mais très difficile à distiller : le rendement est très faible (1/1000), c'est à dire que pour un kg de fleurs on obtient un millilitre d'huile essentielle.  Le faible rendement explique le prix élevé de cette HE, souvent plus de 50 EUR les 10 ml. Mais c'est une plante aux vertus extraordinaires !



Il existe en Méditerranée deux sortes d'Hélichryse et par là deux huiles essentielles d'Hélichryse : l'HE d'Helichrysum italicum serotinum, qui provient souvent de Corse où elle est cultivée et l'HE d'Helichrysum italicum microphyllum ou angustifolium, qui provient des côtes balkaniques où elle est plutôt cueillie. C'est cette dernière que je produis à Tinos, où abonde l'Hélichryse microphyllum sauvage. 
Son huile essentielle est un peu plus anti-inflammatoire et un peu moins fibrinolytique (apte à dissoudre les caillots sanguins) que celle de la Serotinum, mais les deux produits sont très proches dans leurs indications en aromathérapie : anti-inflammatoire, anti-traumatique et cosmétique. L'Hélichryse soigne les hématomes, combat efficacement les douleurs inflammatoires, retarde l'apparition des rides et résorbe la couperose. Une plante de bien-être et de beauté. 
La cueillette de l'Hélichryse débute à la mi-mai, en fonction de la maturité des plantes, elle-même déterminée par la météo de l'hiver. La campagne débute au bord de la mer, dans les garrigues de Lychnaftia. Progressivement il faudra prendre de la hauteur et cueillir en montagne. Le dernier champ que j'exploite se situe sur les pentes de Pateles à 600 m d'altitude. Les paysages sont toujours superbes, avec la mer Egée pour horizon.

Il faut cueillir tôt le matin, avant que le soleil n'évapore l'huile essentielle. Donc débuter vers 7 h et cesser le travail vers 10 h, en fonction de la météo, bien sûr. La cueillette est opérée soit à la main, soit à la faucille et l'on va s'efforcer de récolter les boutons avancés, les tiges étant stériles. C'est une cueillette agréable : l'Hélichryse se présente sous la forme de buissons grossièrement hémisphériques hauts de 30 à 40 cm. Pas besoin de se baisser beaucoup donc.

Au retour les fleurs sont mises à sécher sur des toiles disposées sur le sol de l'atelier, puis distillées doucement à la vapeur d'eau pendant 2 heures. On obtient une belle huile essentielle de couleur jaune clair, puissamment aromatique. Une source de santé pour toute l'année.



mercredi 3 février 2016

La chancelière, la Grèce et les réfugiés

Un article du journal grec Kathimerini fait état d'un "deal" possible entre la chancelière et le premier ministre grec : en substance si les Grecs conservent les réfugiés et les migrants sur leur sol, le gouvernement allemand se montrera compréhensif dans les négociations sur la dette. Tout cela dans le contexte d'une possible exclusion de la Grèce de l'espace Schengen et de la fermeture des frontières bulgare, macédonienne et albanaise.

La chancelière est affaiblie politiquement par les évènements de la nuit du nouvel an à Cologne et Hambourg. Machine arrière toute : l'Allemagne, si généreuse à l'automne 2015 ne veut plus désormais de ces migrants et réfugiés réputés inassimilables et rapproche sa position de celle des pays d'Europe centrale. Mais que faire de tous ces pauvres ? La solution est simple : les parquer en Grèce isolée et sans ressources.




Je suis écoeuré : d'abord migrants économiques et réfugiés sont des êtres humains dont on bafoue les droits (les fameux droits de l'homme, une des bases de la construction européenne !) en les traitant comme des ballots de marchandises, à parquer, à stocker dans un pays dont on sait qu'il n'a pas les moyens de les recevoir et ne peut que les laisser pourrir dans des camps de fortune.
Ensuite voir le gouvernement allemand, ce modèle de vertu européenne, sous la pression de sa population redevenue nationaliste tourner sa veste en quelques semaines et modérer sa posture de gendarme économique envers la Grèce bafouée est révoltant de cynisme. C'est le discours du riche au pauvre, du seigneur au manant. Les égoïsmes nationaux reprennent tous leurs droits, et dans ce cas précis Machiavel triomphe.













Rajoutons que c'est du pilotage à l'audimat, de la politique TF1. De l'affolement dû à l'impréparation de l'Europe face au phénomène migratoire et à l'inaction face à la guerre civile syrienne. Pouah !

jeudi 28 janvier 2016

Stigmatiser la Grèce...

...Et son gouvernement si irritant ! Voilà l'aboutissement de la crise des migrants, dont un million serait passé dans l'UE via la Grèce en 2015. D'après le commissaire européen Valdis Dombrovskis, la Grèce a sérieusement négligé ses obligations, il y a de graves déficiences aux frontières extérieures qui doivent être surmontées. 
Et de critiquer le mauvais enregistrement des réfugiés, en oubliant les nombreux sauvetages effectués par les gardes-côtes (Limeniko soma) et les pêcheurs de Mytilène !



Ces propos, basés sur une évaluation de Frontex datée de novembre 2015 ouvrent la voie à une sorte de mise en quarantaine de la Grèce, qui pourrait se trouver placée temporairement hors de l'espace Schengen, avec à la clé des tracasseries aux frontières bien désagréable, et un impact sur l'activité touristique, une des richesses du pays qui représente le cinquième de son PIB ! Pire, si les arrivées de migrants se poursuivent massivement, ils resteront bloqués en Grèce sans issue aucune, l'Albanie et la Macédoine pouvant fermer militairement leurs frontières. La chose est déjà faite en Bulgarie.

Tout est de la faute des Grecs, évidemment, mal organisés, feignants, de gauche, à punir. Il faut retirer des yeux de  M. Dombrovskis les peaux de saucisson qui les obstruent et lui fournir des éléments lui permettant d'affiner son analyse.
Depuis 2010, chacun le sait, la Grèce subit l'austérité imposée par les diktats d'une troïka inhumaine et rapace, véritable Léviathan du peuple grec. L'austérité a entraîné une baisse drastique de la dépense publique et la désorganisation d'un Etat déjà faible. La géographie du pays est ce qu'elle est : il y a en Grèce des milliers de km de côtes et des îles comme Mytilène, Chios, Samos, Léros, Kos situées à peu de distance de la Turquie. L'ignoble guerre de Syrie enfin, à laquelle nul n'est foutu de mettre un terme a fait le reste lançant sur la mer des milliers de réfugiés désemparés.

Mais voilà une nouvelle occasion pour le gouvernement allemand, ses satellites d'Europe centrale et ses séides de la commission européenne de stigmatiser la Grèce, cette supposée passoire à pauvres !

Que l'on aide la Grèce, massivement, à résoudre le problème dans la dignité et l'humanité, et qu'on cesse de la dénigrer. Je gage que si les amis de la Chancelière étaient au pouvoir à Athènes une réaction plus solidaire aurait prévalu.
Au fait, bizarre, lorsque nous traversons la frontière gréco-macédonienne, nous sommes toujours contrôlés sérieusement, avec interrogation de bases de données. Bizarre vous dis-je.





samedi 16 janvier 2016

Monastères de Macédoine et de Serbie

Aller de Grèce en France en voiture par l'excellente autoroute des Balkans en traversant la Macédoine (FYROM) et la Serbie permet la découverte de richesses touristiques mal connues : villages traditionnels, bazars d'époque ottomane, villes où voisinent églises et mosquées turques avec leur haut minaret à toit pointu, forteresses, monastères orthodoxes médiévaux.

On rencontre peu de visiteurs étrangers. Malgré des paysages superbes et l'abondance des centres d'intérêt les pays balkaniques sont hors des circuits du tourisme international.

L'histoire récente de l'ex-Yougoslavie nous a parfois interpellés. Mitrovica, Sarajevo, Osijek évoquent les horreurs des années 1990 et les tensions nationales et religieuses ne sont pas toutes apaisées : il est très difficile de pénétrer au Kosovo et au printemps 2015 des miliciens albanais ont tenté un coup de force sur la ville de Kumanovo qui s'est soldé par 22 victimes... Mais nous n'avons rencontré que des gens accueillants.

Ceci étant écrit nous avons décidé de visiter Ohrid en Macédoine et les monastères de la Raska et de la vallée de l'Ibar en Serbie du sud. C'est là que se trouvent les vestiges des royaumes médiévaux de Bulgarie et de Serbie. Ces Etats se sont dégagés de la tutelle de Byzance du 10e au 12e siècle puis ont été détruits par les Ottomans entre le 14e et le 15e siècle. La célèbre bataille de Kosovo, qui voit tomber le roi serbe Lazar et le sultan Mourad date de 1389.

Première étape Ohrid, ville magnifiquement située au bord du lac Prespa du nord et dominée par la forteresse du tsar bulgare Samuel.
C'est d'Ohrid, toute proche de la Grèce, que les moines Cyrille et Méthode sont partis évangéliser les peuples slaves. D'où l'alphabet cyrillique. La ville est à l'origine du patriarcat bulgare. Son premier titulaire est saint Clément.
La ville et ses environs renferment deux sites majeurs, la monastère se Saint-Naum et l'église Saint-Jean de Kaneo, de petites églises byzantines, un musée d'icônes et un musée ethnographique installé dans une vieille demeure patricienne, la maison Robev. Les maisons de pierre et de bois sont semblables à celles de la Grèce du nord. Moins de décoration peinte toutefois.


la maison Robev
Coffres traditionnels dans la maison Robev


Saint-Naum

Ville et lac d'Ohrid
Saint-Jean de Kaneo


































Il est facile de loger à Ohrid à la fin d'octobre du moins !

Départ pour la Serbie après une brève visite de la mosquée peinte de Tetovo et une nuit à Kumanovo. Je recommande l'hôtel Satellit et le restaurant Baba Caga, gastronomique. En Serbie nous nous installons près de Kraljevo à au centre de la région des monastères. Le lendemain visite de Zica, premier siège de l'église autocéphale de Serbie (1208). Les souverains serbes y étaient couronnés.

Monastère de Zica



Fresque à Zica

Fresques admirables ! C'est Byzance !

Nous gagnons ensuite le monastère fortifié de Studenica, construit à la fin du 12e par le premier roi serbe, Stefan Nemanja. Les deux églises sont entourées par une puissante enceinte garnie de tours. On retrouvera cette disposition ailleurs.

Monastère fortifié de Studenica

Le roi fondateur Stefan Nemanja 
Le lustre de Studenica évoque les couronnes votives  germaniques


Aprés Studenica, arrêt au monastère rustique de Stara Pavlica, Fresques de qualité, architecture et sculpture à l'avenant et le charme d'une église rurale, couverte de tapis locaux, sentant l'encens. On adore !
















Stara Pavlica

Route vers Novi Pazar - une ville proche du Kosovo à forte minorité musulmane - et c'est le dernier monastère de la journée, Sopocani. Fondé en 1260, fortifié comme Studenica, on y découvre une admirable fresque représentant la Dormition de la Vierge. Hélas plus assez de lumière pour la photographier.


Sopocani



Le lendemain il nous faut prendre la route vers Belgrade et Trieste. On ne peut s'arrêter qu'à Ravanica, dans la vallée de la Morava. Ce monastère du 14e siècle, époque dite du Despotat, lorsque le roi serbe était vassal du sultan, présente une architecture très raffinée et de merveilleuses fresques. Il est puissamment fortifié et abrite la tombe du roi Lazar, mort lors de la bataille de Kosovo.




Ravanica


Les monastères de Lesnovo en Macédoine et de Miliseva tout près du Monténégro seront mis au programme d'un autre voyage balkanique !


Si vous souhaitez approfondir, visitez le site de l'office du tourisme de Serbie: http://www.serbie.travel/culture-fr/monasteres/



lundi 11 janvier 2016

Ce qui ne va pas en Grèce

J'aime la Grèce au point d'y vivre et d'y travailler une partie de l'année. Et j'aime le peuple grec qui m'a donné de nombreux amis sincères et fidèles. Toutefois ma situation de semi-expatrié et la crise ouverte dans laquelle le pays est plongé depuis 2008 m'invitent à exprimer ce qui, à mon sens et vu de mon île de Tinos, ne fonctionne pas ou mal en Grèce. Je prendrai pour ce faire des exemples concrets, en racontant des faits où j'ai été personnellement acteur ou bien des situations dans lesquelles des proches se sont trouvés mêlés. Enfin j'organiserai mon propos autour de thèmes directeurs : conservatisme, chacun pour soi, refus de l'Etat, corruption, bureaucratie.

Conservatisme
Tinos vit de son pèlerinage célèbre, d'un peu de tourisme l'été, d'agriculture, surtout vivrière, et avant la crise la construction était une activité importante. Le rêve de beaucoup est le retour pur et simple aux années de prospérité 2000 - 2008, lorsque les maisonnettes poussaient comme des champignons à Porto ou à Triandaros ! Soyons réalistes : il faudra beaucoup de temps pour que le pouvoir d'achat des Athéniens soit restauré et qu'ils se remettent à acheter des maisons de week-end à Tinos. Il faudrait trouver de nouvelles voies de développement pour l'île : tourisme durable, promotion des excellents produits agricoles locaux, essai de nouveaux produits ou de nouvelles techniques. Malgré quelques initiatives (plantation de cépages nobles, essais de culture de capriers, d'aloès), ces voies restent très peu explorées. Lorsque j'ai débuté mon activité de maître de stages de distillation de plantes sauvages, tout le village de Skalados ou presque m'a pris pour un gentil fada, les huiles essentielles n'appartenant pas à la tradition locale. Lorsque je plante dans mon jardin des variétés de tomates françaises ou des courgettes italiennes, je me heurte à la méfiance : ces légumes ne sont pas d'ici, ils ne pousseront pas. Et que dire du voisin d'un de mes amis qui a pour principe, en dépit d'un climat très changeant, de vendanger sa vigne systématiquement le 7 septembre parce que son père faisait ainsi et que le père de son père faisait ainsi ! Certes la tradition permet à l'homme de se situer dans une perspective culturelle, mais elle peut devenir un boulet que l'on traîne et s'opposer gravement à l'innovation créatrice.
Attention enfin, si vous réussissez, on va vous imiter !

Chacun pour soi
J'ai envie de rajouter et Dieu pour tous, puisque les non pratiquants, orthodoxes ou catholiques sont peu nombreux. Mais que penser du voisinage entre une rutilante Porsche Cayenne coûtant 150 000 EUR et un pauvre véhicule vieux de 20 ans ou plus dont les plaques d'immatriculation ont été retirées suite à l'impossibilité pour son propriétaire de payer la vignette auto... Cette scène, dans une rue de Krokos, aurait mérité une photo. Autre exemple : deux gréco-américains originaires de Tinos se baladent dans les villages avec une énorme Ford mustang décapotable. Ils ne parlent qu'anglais - la langue de la réussite - avec l'accent yankee, font tout pour montrer qu'ils regorgent de dollars et sont l'objet de la vénération universelle.  Oui, en Grèce l'extrême pauvreté (des retraites paysannes à 200 EUR mensuels) voisine avec l'opulence ostentatoire de quelques uns et c'est très choquant. Lorsqu'on rencontre un problème économique, on se tourne d'abord vers sa famille et on se soumet, on ne cherche pas à exiger davantage de justice sociale. Parfois on entre dans la clientèle d'un puissant ou supposé l'être.

Refus de l'Etat
Sans doute la petite Grèce n'a pas réussi à atteindre les objectifs qu'elle s'était fixée aux 19e et 20e siècles, la restauration de l'Empire de Byzance pour faire simple, sans doute est-elle restée à bien des égards un morceau de l'empire ottoman (cadastre ou rôle des clientèles par exemple). Et les Grecs en ont conçu de l'amertume. Tout de même, La Grèce existe depuis 1830 sur la scène internationale et a su générer des hommes d'Etat de premier plan, comme le grand Crétois Venizelos ou repousser l'agression fasciste de 1940. Malgré cela, on peut aujourd'hui écrire comme il y a 100 ans que l'Etat grec est à construire à partir de la base, la collecte de l'impôt, acquise en France depuis le 17e siècle. Le nouvel impôt foncier (EMFIA), qui frappe toutes les propriétés dans un esprit de justice (mais il y a des bavures) est appelé kharadj par les contribuables. Savez-vous ce qu'est le kharadj ? Un impôt discriminatoire perçu par le pouvoir ottoman et reposant sur les seuls Chrétiens afin de racheter leur exemption du service armé. Lorsque je travaillais en France, j'étais conservateur de bibliothèque, terme que le dictionnaire de Mirambel traduit d'une manière erronée par éphoros. En grec moderne, l'éphore, c'est le percepteur, le phoros, autrefois le tribut, c'est l'impôt. Pensant que j'étais en France un collecteur d'impôt, mes voisins de Skalados ont, pour rire bien sûr, aiguisé leurs couteaux... Le refus de l'impôt empêche la constitution d'un Etat juste et concentre le fardeau fiscal sur ceux qu'il est facile de contrôler, les salariés, les retraités. Il faut rompre ce cercle et faire payer les possesseurs de Porsche Cayenne. Je renvoie à l'excellent roman de  Pétros Markaris, Le Justicier d'Athènes.

Corruption et arbitraire
Je n'ai jamais été directement confronté à des fonctionnaires corrompus, mais j'ai peur  ! Un ami, acheteur il y a quelques années d'une maison paysanne à Tinos, a dû attendre 5 ans son permis de rénover : une commission, en préfecture à Syros, lui réclamait sans cesse des documents nouveaux ou faisait la morte des mois durant. Peut-être voulaient-ils quelques billets dans une enveloppe. Le problème a trouvé une solution rapide dans le cadre d'une plainte devant la cour européenne des droits de l'homme. Le service des permis de conduire de Syros était corrompu et son directeur a connu des ennuis judiciaires. Obtenir un permis était simple : il fallait glisser une enveloppe bien garnie dans les mains de l'inspecteur. Je tremble enfin devant l'arbitraire : un fonctionnaire grec peut causer de très graves ennuis à un homme honnête et les recours sont bien compliqués.

Bureaucratie
Cet Etat mal construit souffre de sa bureaucratie. J'ai eu besoin au printemps 2015 d'une traduction officielle de pièces concernant ma petite entreprise. J'ai confié l'opération à un avocat qui  a adressé les pièces au ministère des affaires étrangères à Athènes et m'a demandé d'avancer les frais de traduction. Un mois, 2, 3 mois passent, toujours rien. En septembre, l'avocat me téléphone : les documents lui ont été retournés non traduits car il manque l'apostille qui les authentifie. Me voilà donc renvoyé vers le tribunal de commerce dont je dépends en France. Et pourtant ce sont bien les documents originaux que j'ai transmis ! Dites-moi comment entreprendre dans ces conditions ! Indirectement, c'est encourager le travail au noir. Au reste c'est ce type de travail qui permet à beaucoup de Grecs de vivre.

Un héritage de l'histoire
J'y pense sans cesse : la Grèce, ottomane du 15e au 19e siècle n'a pu connaître ces grandes sources de l'esprit critique qu'ont été la Renaissance et surtout les Lumières. L'Eglise, non séparée de l'Etat y est omniprésente, véhiculant une tradition parfois anti-occidentale et conformiste. Les Ottomans ont cristallisé corruption et clientélisme (il existe toujours dans certaines régions un vote de clientèles). Enfin les rois du 19e étaient des étrangers, Bavarois puis Danois, mal ressentis par le peuple : ils ont construit un rêve néoclassique et un parlementarisme de façade. Le peuple est resté étranger à tout cela enfermé dans des mentalités qu'un historien français peut qualifier d'ancien régime.
Je pense que le gouvernement Tsipras, mis en tutelle par les créanciers du pays, doit s'attaquer courageusement à la réforme de l'Etat, dans une optique d'aggiornamento : justice fiscale, lutte contre les corrompus et les bureaucrates, encouragements à l'innovation. Cette réforme coûte peu. Voici la tâche d'un gouvernement d'hommes neufs : reconstruire un Etat juste qui saura être populaire.

dimanche 3 janvier 2016

Que peut-on espérer du gouvernement Tsipras ?

Il y a 11 mois les Grecs élisaient leur parlement et donnaient à une force nouvelle, SYRIZA, une majorité d'élus. Un gouvernement de gauche radicale, présidé par Alexis Tsipras, accédait au pouvoir en Grèce et promettait au peuple de se battre pour casser le carcan de l'austérité toxique imposée par les créanciers. Un immense espoir soulevait le pays et débordait ses frontières. Le ministre des finances Varoufakis bousculait les concepts néo-libéraux et tentait de convertir ses collègues de l'Eurogroupe à une vision macro-économique ambitieuse.
Le printemps et l'été de 2015 ont vu tomber tous ces espoirs. Dans la nuit du 13 juillet, coincé entre la volonté du peuple grec de rester dans l'Euro, l'intransigeance des prêteurs et l'asphyxie de l'économie du pays, sciemment organisée, Alexis Tsipras cédait aux créanciers, acceptait globalement les politiques d'austérité et, plus grave encore, une véritable mise sous tutelle de la Grèce : toute décision coûteuse du gouvernement grec devant être soumise à l'approbation d'une troïka restaurée et renforcée !

Dans ces conditions, qu'attendre du deuxième gouvernement Tsipras ? Certes des escarmouches, comme lors du vote de la loi sur les saisies immobilières il y a quelques semaines. Mais rien de plus. Les prochaines empoignades seront pour le système des retraites qui est actuellement au bord de la faillite. Et pour le système de santé public, en ruine. Le gouvernement grec cédera sans doute sur tout, espérant que le rétablissement de la "confiance" fera revenir l'argent dans les banques et  permettra d'en finir avec le contrôle des capitaux...Et que la négociation sur la dette soit enfin ouverte, et que le pays puisse profiter de la politique de rachat de dettes nationales engagé par la BCE. Le gouvernement Tsipras se conduit et se conduira comme un simple gouvernement social-démocrate, gestionnaire de l'austérité, je pense.

Mais on peut encore espérer de ces nouveaux venus dans le paysage hellénique l'engagement d'une vigoureuse politique de réforme de l'Etat et notamment du système fiscal.
Il reste très difficile de fonder une entreprise en Grèce, à cause d'une réglementation tatillonne servie par des fonctionnaires peu compétents et peu zélés, ce qui encourage le travail au noir, peu contrôlé. Quant au système fiscal, le Français naïf que j'étais a ouvert de gros yeux en apprenant, puis en constatant que les plus riches ne payaient que très peu d'impôts. Présentement sont lourdement taxés les seuls salariés et retraités, dont les revenus sont faciles à contrôler.
Dans le contexte actuel, où peu de choses peuvent être obtenues des créanciers, j'espère voir le gouvernement Tsipras se lancer dans la construction d'un Etat juste

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